Lors des manifestations des jeunes pour le climat, en mai, à Paris. / ALAIN JOCARD / AFP

Ils s’appellent Amina, Tatiana, Enora, ou Léo. Ils sont venus du Pas-de-Calais, de Bretagne ou du sud de la France pour participer aux Assises nationales du mouvement Youth for Climate, qui se déroulent jusqu’au 14 juillet à Bordeaux. Après Nancy en avril, les jeunes mobilisés pour le climat ont élu domicile à la Manufacture de Darwin, pour quatre jours de débats, de rencontres et de formation à la désobéissance civile.

Darwin, ancienne caserne militaire réhabilitée en lieu écoresponsable qui accueille des acteurs de l’entreprenariat social, un restaurant bio et le lycée expérimental Edgar-Morin, a immédiatement répondu à la sollicitation du mouvement bordelais. Dans la Manufacture, grande salle de 1 800 m2, les jeunes ont installé leurs dortoirs grâce à une cinquantaine de lits de camps fournis par l’armée. Venus de toute la France, quelque 130 jeunes étaient attendus pour prendre part à cette deuxième édition des assises nationales. En échange d’une mise à disposition du lieu à titre gratuit, les militants ont participé à une grande collecte de mégots oubliés sur le sol. Ils se sont également engagés à respecter le couvre-feu de minuit et, bien sûr, à veiller à ce qu’aucun mineur ne consomme de drogue et ni d’alcool.

Car la plupart n’ont pas atteint la majorité. La moyenne d’âge est de 17 ans, comme l’explique Virgile Mouquet, l’un des porte-parole bordelais. Engagé depuis le début, le jeune homme de 18 ans tout juste, fraîchement lauréat du bac, a participé au lancement de Youth for Climate dans la métropole. Un talkie-walkie dans une main, il veille, consciencieux, à l’arrivée des jeunes et à leur installation dans leur campement. Virgile n’est nullement découragé par une mobilisation en baisse lors des dernières marches pour le climat. « On se rend compte que les marches n’ont pas suffi pour obtenir des résultats, une partie du mouvement souhaite multiplier les actions plus tournées vers la désobéissance civile, le blocage, comme à l’Elysée, le 28 juin, une opération à laquelle j’ai participé. » Ce jour-là, alors que l’Hexagone enregistrait des températures records, près de 150 militants s’étaient rassemblés devant le palais présidentiel pour dénoncer l’inaction climatique de l’exécutif.

Un œil sur les municipales

Si les manifestations sont importantes pour fédérer, les blocages restent symboliques pour marquer les esprits, estime le jeune militant. « Le 15 mars, c’était la première fois que beaucoup de jeunes sortaient dans la rue. Ils pensaient qu’on allait changer le monde en une ou deux semaines. » A l’appel de la militante suédoise Greta Thunberg, 170 000 jeunes Français avaient défilé dans de nombreuses villes du pays lors de cette première grève scolaire internationale pour le climat.

Désillusionnés, certains ont quitté depuis le navire. L’heure est donc à la remobilisation générale autour du mouvement. Ces assises bordelaises ont pour rôle de rassembler les jeunes défenseurs du climat, partout en France. « Même si on n’arrive pas à avoir de résultats concrets sur le réchauffement climatique, on prépare malgré tout une société, une génération qui sera prête à s’y adapter », veut croire Virgile.

Outre des manifestations prévues fin septembre, lors de la « Week for the Future », il ne perd pas de vue les municipales de mars 2020. « J’ai davantage confiance dans la politique locale et les députés », explique le jeune homme, qui a déjà rencontré, avec d’autres militants bordelais, le successeur d’Alain Juppé, Nicolas Florian. S’il a finalement trouvé le nouveau maire « assez fermé » face aux propositions portées par Youth for Climate, comme la piétonnisation progressive du centre-ville ou la mise en veille de l’éclairage public la nuit, il ne baisse pas les bras pour autant. Il a prévu, avec les jeunes du collectif bordelais, de rencontrer tous les candidats, pour « les aider à construire un programme, puis de continuer à maintenir la pression une fois qu’ils seront élus ».

Continuer à agir dans le temps fait également partie des prérogatives des assises. Pour Tatiana, 20 ans, « on se remet en question, on voit comment faire mieux la prochaine fois ». Amina, elle, a fait le déplacement depuis Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais. « J’ai 16 ans, je n’ai pas encore le droit de vote, ni de signer de pétitions, ni de faire grève. Mais je peux faire des manifs et me bouger. » En fin de journée, toutes deux partent rejoindre les autres militants, dans leur dortoir collectif. L’occasion d’échanger jusque tard dans la nuit sur les problématiques environnementales, sur un mouvement désireux de continuer, coûte que coûte.