• « Akira », radiographie d’un manga culte

2019 : une date hautement symbolique, celle à laquelle se déroulent les événements dans la monumentale œuvre d’anticipation Akira, de Katsuhiro Otomo ; celle, également, qu’a choisie la revue Rockyrama pour consacrer un hors-série entier au manga culte, sous la forme d’un mook richement documenté et superbement illustré.

L’influence du méconnu manga Soshite, Dare mo Inaku Natta, l’ombre de Moebius, la question de la drogue et de la violence dans la société japonaise… A travers une vingtaine d’articles, l’ouvrage éclaire de manière oblique et stimulante le plus emblématique seinen (manga pour adultes) des années 1980. Un régal. W. A.

« Akira », de Ludovic Gottigny, Romain Dubois et Malik-Djamel Amazigh Houha, hors-série Rockyrama (Ynnis Editions, 14,90 euros).

  • « Broad Band », l’histoire de l’informatique au féminin

Dans le grand récit de la Silicon Valley, les héros et les légendes sont les génies masculins. Or les femmes ont été à l’avant-garde de l’informatique, jusqu’au terme même d’« ordinateur » (computer, en anglais) qui a été emprunté aux ordinatrices qui exécutaient des calculs mathématiques compliqués bien avant les machines, dès le XIXe siècle.

La journaliste et essayiste américaine Claire L. Evans a enquêté pendant deux ans sur l’implication des femmes dans ce milieu, depuis Ada Lovelace, qui a publié le premier programme en 1843, à la cyberféministe Sadie Plant, figure des années 1990, en passant par les « Eniac Six », pionnières de la programmation. Un ouvrage plutôt pédagogique une fois la barrière de l’anglais surmontée. P. C.

Entretien avec l’autrice : « Les femmes ont dû quitter le terrain »

« Broad Band : The Untold Story of the Women Who Made the Internet », de Claire L. Evans, (Penguin, en anglais, 20 euros).

  • « Frank Miller », portrait d’un auteur controversé

Dans cette version augmentée et mise à jour d’une biographie sortie en 2011, le journaliste spécialiste de la BD américaine, Jean-Marc Lainé, s’attelle à l’un des auteurs les plus brillants et controversés du comics des quarante dernières années. Le scénariste et dessinateur Frank Miller s’est rendu célèbre dès les années 1980 pour ses réinterprétations sombres, matures et sans concession des récits de superhéros.

Son image est désormais associée à Daredevil, mais aussi irrémédiablement liée à celle du Dark Knight, un Batman vieillissant et désabusé. Auteurs et fans louent autant le génie – à qui l’on doit également Sin City ou 300 – qu’ils déplorent ses saillies conservatrices et islamophobes. Une biographie dense mais fluide sur un personnage ambivalent. P. C.

« Frank Miller : une biographie », de Jean-Marc Lainé (Fantask, 25 euros).

  • « Gaming the Iron Curtain », une histoire du jeu vidéo communiste

Trente ans après la sortie de Tetris, l’universitaire tchèque Jaroslav Svelch lève le voile sur l’un des plus grands angles morts de l’histoire du jeu vidéo : son versant communiste. A travers l’exemple de la Tchécoslovaquie des années 1980, cet ouvrage anglophone, aussi pointu que remarquablement sourcé, montre que les pixels avaient droit de cité dans le bloc de l’Est. Mais aussi qu’ils ont été au cœur de la stratégie quotidienne des jeunes citoyens pour surmonter les interdictions, outrepasser les frontières, et même exprimer leur exaspération politique. Une rencontre stimulante entre l’histoire du quotidien à la Michel de Certeau et la sociologie des techniques. W. A.

« Gaming the Iron Curtain : How Teenagers and Amateurs in Communist Czechoslovakia Claimed the Medium of Computer Games », de Jaroslav Svelch (MIT Press, 400 pages, en anglais, 38 euros).

  • « Je suis providence », biographie monumentale d’H. P. Lovecraft

Longtemps restée non traduite, cette monumentale – 1 200 pages – biographie de Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) fait référence sur la vie du créateur du mythe de Cthulhu. Extrêmement détaillée et basée sur des documents inédits, notamment sur l’abondante correspondance du controversé maître de l’horreur, elle donne une vision complète de la vie de l’auteur.

Une lecture éclairante mais à conseiller aux purs passionnés des Grands Anciens – plus proche de la thèse de doctorat que du roman d’été –, le livre de S. T. Joshi ne se lit pas d’une traite sur la plage. D. L.

« Je suis providence, vie et œuvre », de H.P. Lovecraft, S. T. Joshi (ActuSF, deux tomes, 2 × 28 euros).

  • « Jump », dans les coulisses des mangas stars

De Hokuto no Ken à One Piece en passant par Dragon Ball, Saint Seiya ou Captain Tsubasa, il suffit d’égrener les titres de ses séries emblématiques pour saisir toute la puissance du Weekly Shonen Jump, le légendaire magazine de prépublication de mangas à destination des jeunes garçons.

A l’occasion de ses 50 ans, son ancien rédacteur en chef, de 1986 à 1993, Hiroki Goto, livre ses mémoires d’éditeur. Il raconte notamment comment son équipe a amené le magazine à dépasser un tirage de 6 millions d’exemplaires, éclaire sur une économie secrète qui a rayonné dans le monde entier, offre petits détails et grandes anecdotes sur les séries qui selon lui ont jalonné le magazine. Trois cents pages bien chapitrées qui se picorent ou se dévorent d’une traite agréablement. P. C.

« Jump, l’âge d’or du manga », de Hiroki Goto, traduit par Julie Seta et supervisé par Grégoire Hellot (Kurokawa, 336 pages, 18,90 euros).

  • « L’ascension de The Witcher… », exégèse d’une trilogie culte

Une monographie pour faire le tour de la nouvelle série phare du jeu vidéo, signée du journaliste et youtubeur spécialisé Benoît Reiner, alias Exserv. Ici, très peu de coulisses de développement, mais un panorama un peu fourre-tout et parfois très descriptif des livres et des jeux consacrés au Sorceleur.

A défaut d’une direction claire, l’ouvrage réserve de belles pages à l’univers et au bestiaire de l’écrivain Andrzej Sapkowski, grâce à des parallèles éclairants, avec ses nombreuses sources d’inspiration, comme Le Seigneur des anneaux et la littérature fantastique anglo-saxonne. W. A.

« L’ascension de The Witcher : un nouveau roi du RPG », de Benoît « Exserv » Reiner, (Third Editions, 252 pages, 29,90 euros).

  • « L’histoire de The Witcher », aux sources du fantastique polonais

Une plongée historique méticuleuse, riche en entretiens exclusifs, dans la série de livres Le Sorceleur, et les jeux vidéo qui en ont été tirés (encore eux). Le journaliste spécialisé Raphaël Lucas consacre la première partie de son ouvrage, la plus passionnante, à l’émergence en Pologne de l’heroic fantasy et de l’informatique, ouvrant ainsi la voie à une fascinante contre-histoire de la pop culture des années 1980 et 1990, loin des canons américains et japonais.

La seconde partie, moins ambitieuse et plus confinée, raconte le développement compliqué des trois jeux de CD Projekt, entre désaccords internes, organisation chaotique et épuisement des équipes. Un indispensable pour remettre le succès de The Witcher III dans son contexte historique. W. A.

L’histoire de The Witcher, Raphaël Lucas, Pix’n Love, 240 pages, 24,90 €.

  • « Raconteurs d’histoires », portrait des scénaristes de jeu vidéo

Les jeux vidéo narratifs sont les plus plébiscités des joueurs. Mais sait-on vraiment comment naissent les scénarios vidéoludiques ? A travers de nombreux entretiens avec des professionnels, et autant de renvois vers des références comme Life is Strange, NieR : Automata ou encore Red Dead Redemption, le chercheur en sciences politiques Pierre-William Fregonese dresse un panorama fin et complet du métier de scénariste de jeu vidéo.

On y découvre ainsi ses parcours hétéroclites, ses méthodes souvent pragmatiques, ainsi que ses problématiques et ses spécificités, comme la narration environnementale – comme le souligne l’auteur, « il n’y a rien de plus fort qu’un endroit inaccessible ou une porte fermée ». Une lecture parfois un peu académique, mais très renseignée et stimulante, qui permet de mieux apprécier ses œuvres préférées.

« Raconteurs d’histoires. Les mille visages du scénariste de jeu vidéo », Pierre-William Fregonese (Pix’n Love, 164 pages, 16,90 euros).

  • « Zucked », aux racines des maux de Facebook

Un modèle économique enfermé dans un cercle vicieux, une plate-forme utilisée trop facilement par de mauvais acteurs, une direction qui n’écoute aucune critique…, le plus grand réseau social va droit à la catastrophe. Le constat serait classique de la part d’un militant anti-Facebook ; il est un peu plus étonnant de la part de Roger McNamee, qui compta parmi les premiers investisseurs de la société de Mark Zuckerberg.

Retraçant l’histoire de son rapport avec Facebook et son fondateur, le financier américain détaille avec précision – et parfois un brin de paternalisme – les décisions qui ont amené Facebook au centre de toutes les critiques aujourd’hui. Et fournit aussi quelques pistes de solutions. D. L.

« Zucked, Waking Up to the Facebook Catastrophre », de Roger McNamee (HarperCollins, en anglais, 16 euros).

  • Et aussi…

Dans un format mook léger et illustré, les éditions Ynnis consacrent deux sorties à l’animation : les très complets Hommage aux studios Pixar, vers le génie et au-delà, de Gersende Bollut et Nicolas Thys, et Hommage à Isao Takahata, de Stéphanie Chaptal.

Les éditions Pix’n Love proposent, de leur côté, une biographie intitulée Akira Toriyama et Dragon Ball, l’homme derrière le manga, signée de l’un des auteurs de cet article.

Enfin, signalons la sortie récente, au format poche, du très malin Game of Thrones, une métaphysique des meurtres, de la philosophe Marianne Chaillon, qui couvre les cinq premières saisons (de toute façon, comme chacun sait, la saison 8 n’a pas vraiment existé).