Dans le mille. / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Et dire qu’après avoir vu cela, cette offensive de grand style qui fit décoller notre palpitant, il va falloir s’astreindre à rester calmes, et que cela va durer six jours. Six jours jusqu’à l’arrivée au col du Tourmalet, où l’on en saura un peu plus sur le programme de Thibaut Pinot lundi 29 juillet : descente des Champs sur un bus à impériale Groupama-FDJ ou nourriture des chèvres à Mélisey. Rien ne sera figé au Tourmalet, bien sûr, mais il dira si les illusions peuvent vivre une semaine de plus.

Heureusement, Thibaut Pinot est Français. Et l’on nous a toujours appris, depuis le berceau, qu’un Français ne pouvait pas gagner le Tour – c’est écrit dans la Constitution depuis 1985, en dessous du paragraphe disposant l’absence de Français à Roland-Garros à partir du deuxième mercredi. Ce postulat nous tranquillise, nous repose. Il évite la surchauffe et les nœuds au cerveau.

Pour un Français, un maillot jaune est toujours provisoire. Il peut être heureux, glorieux, poissard, logique, mais s’il y a une règle, c’est qu’il ne dure pas. Ainsi vivra-t-on tranquillement, sans emballement aucun, le deuxième séjour en jaune de Julian Alaphilippe. On sait qu’il commence un 14 juillet – la presse étrangère toujours attachée au « Bastille Day » se régalera du symbole – et qu’il ne passera pas le 25. Comme les congés payés, on en profite d’autant plus qu’on sait qu’il est fugace.

Tête froide

C’est ainsi aussi que l’équipe Groupama-FDJ garde la tête froide. Bien sûr, leur leader galope depuis le départ, semblable au Pinot grisé de l’automne dernier, qui survolait la dernière semaine de la Vuelta, le championnat du monde et les classiques italiennes. Bien sûr, entre Sorbiers, Loire, et Saint-Etienne, Loire, il a repris 19 secondes à tous les favoris plus huit secondes de bonification, ce qui est énorme à l’échelle des éditions du Tour de France des dernières années. Bien sûr, il est le premier des favoris.

Mais, on le voit aux réactions de Julien Pinot, entraîneur, et Thibaut Pinot, cycliste, dans le car de l’équipe, ce n’était pas l’euphorie samedi. Le Haut-Saônois regrettait même de ne pas avoir rattrapé Thomas De Gendt pour gagner l’étape. (Oui, sur ce Tour, Thibaut Pinot a la dalle.)

« Il faut calmer les choses »

« Je suis à mon niveau de l’an dernier en fin de saison, j’ai réussi ma préparation. C’est pour cela que je suis confiant pour la suite », dit-il. Mais aussi : « Je ne m’attarde pas trop sur le classement, ça ne veut pas dire grand-chose. Il y a les Pyrénées, le chrono, tout va vite changer. »

Thibault Camus / AP

Philippe Mauduit, directeur sportif, garde le calme des vieilles troupes, s’amusant de l’excitation journalistique : « Les gars, il faut calmer les choses. C’est du sport, c’est du beau vélo, mais il ne faut pas non plus s’enflammer, on est à quinze jours de l’arrivée. (…) On va rester tranquille, calme, et on va continuer à préparer nos étapes. »

« Il ne s’est jamais caché et nos adversaires les plus directs l’ont toujours pris au sérieux », ajoute Philippe Mauduit, et là, pardon, mais il se trompe : on avait bien tendu l’oreille lors des conférences de presse précédant le départ, et Thibaut Pinot était très rarement cité au rang des candidats à la victoire finale. En particulier par Geraint Thomas, qui mentionnait Jakob Fuglsang, Adam Yates, Richie Porte, Vincenzo Nibali, Steven Kruijswijk et les Movistar, mais ni Romain Bardet, ni Thibaut Pinot.

Sans doute que lui aussi connaît la règle. Sans doute que lui aussi reste calme. Sans doute qu’il a raison. Pas vrai ?

Départ à 13 h 25, arrivée vers 17 h 30.

PS. Geraint Thomas pourra faire encadrer cette photo dans son salon le 29 juillet prochain, quand il aura gagné le Tour de France deux semaines après cette gamelle mémorable.

PPS. Un maillot jaune français le 14 juillet, c’est presque la routine.