A La Rochelle, en 2014. / XAVIER LEOTY / AFP

Ils ne manifesteront pas ensemble. Mais tous manifesteront. En effet, les trois syndicats Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Confédération paysanne et Coordination rurale rejettent l’accord CETA négocié entre l’Union européenne (UE) et le Canada. Une unanimité suffisamment rare pour être soulignée.

La Coordination rurale a demandé à ses partisans d’aller à la rencontre des députés devant l’Assemblée nationale, mercredi 17 juillet, jour où les élus examineront l’accord de libre-échange. « Pourquoi les agriculteurs européens devraient-ils continuer de fournir des efforts imposés par l’UE, alors qu’elle les sacrifie délibérément ? », s’interroge le syndicat. Evoquant les 65 000 tonnes de viande bovine canadienne que le CETA pourrait faire entrer en Europe, il estime que les dirigeants français « renient les objectifs de transition écologique annoncés lors des Etats généraux de l’alimentation ».

« Aucunement compatible avec (... ) l’article 44 de la loi Egalim »

Sans attendre, la FNSEA, associée aux Jeunes Agriculteurs (JA), a déjà alerté, mardi 9 juillet, les députés, lors de l’examen de l’accord en commission. Les deux syndicats leur ont également adressé un courrier daté du jeudi 11 juillet pour les mettre en garde « des dangers qui pèsent sur les filières agricoles françaises avec l’importation dans l’UE, à droits de douane nuls, de 65 000 tonnes de viande bovine, de 80 000 tonnes de viande porcine, mais aussi de contingents importants de sucre et d’éthanol ».

La FNSEA et les JA s’interrogent : « Comment le modèle familial français, avec une moyenne de 60 bovins par exploitation, pourrait-il lutter face à des feedlots [parcs d’engraissements] canadiens qui comptabilisent, pour 60 % d’entre eux, plus de 30 000 bovins avec les économies d’échelle qui en découlent ? » Ils mettent également en exergue le fait que « le Canada autorise la culture d’OGM, les rations à base de farines animales et d’antibiotiques activateurs de croissance ainsi que l’utilisation, en routine, de 46 substances phytosanitaires interdites en Europe » et que « ni le CETA, ni la réglementation européenne, ni les règles de l’Organisation mondiale du commerce ne permettent à l’UE d’empêcher les importations de produits ne correspondant pas à nos normes ».

Les deux organisations affirment que « la ratification du CETA n’est aucunement compatible avec l’application effective de l’article 44 de la loi Egalim, qui interdit de vendre des produits ne respectant pas nos règles de production ».

« Cheval de Troie des Etats-Unis »

« Nous nous opposons aux accords commerciaux comme le CETA, car il y a un risque d’industrialisation des pratiques agricoles européennes. De plus, [celui-ci] peut jouer le rôle de cheval de Troie des Etats-Unis », explique Nicolas Girod, de la Confédération paysanne, syndicat membre du collectif Stop CETA, qui a appelé à la mobilisation, mardi 16 juillet, devant l’Assemblée nationale.

Ce collectif regroupe près de 70 membres, dont l’association de consommateurs Foodwatch, qui estime que le CETA comme l’accord entre l’UE et les pays d’Amérique latine du Mercosur « présentent les mêmes dangers pour les droits sociaux, les agriculteurs, [l’]alimentation, [la] santé et l’environnement et font la part belle aux multinationales ».

Emmanuel Besnier, lui, patron de Lactalis, premier groupe laitier mondial, juge les accords du CETA et du Mercosur « plutôt favorables ». « C’est une opportunité d’exportation, à condition que la France soit compétitive au niveau mondial, même si nous nous développons de plus en plus localement », déclare M. Besnier.