Une vue aérienne montre le toit endommagé de Notre-Dame de Paris lors de travaux de restauration, trois mois après l’incendie qui a dévasté la cathédrale de Paris, le 14 juillet. / PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

Trois mois après l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, le Parlement a définitivement adopté mardi 16 juillet le projet de loi pour la cathédrale, qui doit répondre à l’ambition fixée par le président Emmanuel Macron de restaurer l’édifice dans le délai controversé de cinq ans. Le texte, qui n’a pas fait consensus malgré l’émotion unanime des parlementaires, a été approuvé par 91 voix, avec 8 votes contre et 33 abstentions. Le projet de loi entend organiser et contrôler le recueil et l’utilisation des dons qui ont afflué et coordonner les travaux délicats à mener sur un joyau du patrimoine.

Chef-d’œuvre de l’art gothique, la cathédrale de Paris a été frappée le 15 avril par un incendie qui a détruit sa charpente et la flèche de Viollet-le-Duc. « Le plus dur est devant nous. Il faudra consolider encore et toujours la cathédrale puis la restaurer », a lancé le ministre de la culture, Franck Riester, appelant les députés à soutenir le texte « pour permettre demain à Notre-Dame de retrouver sa splendeur ».

Précipitation

Si l’ensemble de l’opposition a approuvé l’objectif, exprimant son déchirement face à la dégradation de ce monument national presque millénaire, elle a dénoncé une « loi d’exception inutile » menée dans « la précipitation » et instaurant des « dérogations inadmissibles » aux règles du patrimoine.

« Vouloir imposer d’en haut un délai de cinq ans n’a aucun sens », a ainsi dénoncé Brigitte Kuster (Les Républicains), appelant à restituer la cathédrale « dans son dernier état visuel connu ». « C’est une œuvre d’art qu’il faut considérer comme achevée », a-t-elle dit. « Tout ce projet de loi part de l’inconséquence des propos du président Macron » sur l’objectif de cinq ans, a approuvé Marie-George Buffet (PCF). « Il faut accepter que le temps de la reconstruction ne soit pas celui du politique ou de l’évènementiel, et rien ne justifie que l’Etat s’autorise ce qu’il interdit dans le droit commun », a dénoncé la socialiste Michèle Victory.

Après deux lectures à l’Assemblée et au Sénat entrecoupées de l’échec d’une commission mixte paritaire sur un texte de compromis, le dernier mot revient aux députés sur un texte assez peu modifié à l’issue des débats parlementaires. Le projet de loi entend répondre à l’ambition fixée par le président Emmanuel Macron de voir l’édifice restauré en cinq ans. « Un délai ambitieux, volontariste, qui permet de mobiliser l’ensemble des équipes concernées », a avancé M. Riester, l’opposition dénonçant un objectif irréaliste motivé par les Jeux olympiques de Paris en 2024.

« Nous ne confondons pas vitesse et précipitation », s’est défendu le ministre rappelant que la cathédrale n’est pas encore « totalement sauvée », et qu’il existe toujours « un risque » d’effondrement.

« Prudence sur les dons »

Le texte entérine l’ouverture au 16 avril d’une souscription nationale pour recevoir les dons promis par les particuliers, des entreprises et des collectivités, dont le montant annoncé dépasserait les 850 millions d’euros. Le ministre a cependant appelé à la prudence ceux qui évoquaient déjà des excédents : « Seuls un peu plus de 10 % des promesses de dons ont été concrétisées » et « le coût des travaux n’est pas encore chiffré », a-t-il souligné.

Le projet de loi accorde une déduction fiscale exceptionnelle de 75 %, dans la limite de 1 000 euros aux donateurs particuliers, contre 66 % dans le droit commun. Un dispositif contesté notamment par Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) pour qui ces dégrèvements d’impôts seront au bout du compte payés par le reste des contribuables.

Au regard de l’ampleur des sommes en jeu, des mécanismes de contrôle ont été prévus pour s’assurer de leur bonne gestion. Un établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre de la culture, sera chargé d’assurer la conduite et la coordination des études et des travaux avec l’aide d’un conseil scientifique.

Quid des règles d’urbanisme ?

Mais la principale pomme de discorde entre majorité et oppositions a porté sur les dérogations aux règles d’urbanisme et de protection de l’environnement prévues dans le texte pour accélérer les travaux. En réponse aux critiques, le gouvernement a accepté de figer dans la loi certaines d’entre elles, concernant « l’architecture préventive », « la durée d’instruction des autorisations temporaires » ou encore « l’autorisation de certaines publicités sur des bâches ou des palissades de chantier ».

Mais d’autres, portant sur la voirie, l’urbanisme ou le code de l’environnement seront fixées par ordonnances, contrairement au souhait des sénateurs. « Ces assouplissements dépendent d’un projet qui n’est pas encore défini », a plaidé le ministre.

La question architecturale a également été discutée, même si elle n’est pas abordée directement dans le texte. Ainsi, certains parlementaires, inquiets de l’expression « geste architectural contemporain » utilisée par Emmanuel Macron à propos de la future flèche, ont exigé sans succès l’engagement d’« une reconstruction à l’identique » ou « fidèle à son dernier état visuel connu ».

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