Des bouteilles de baiju de la marque Moutai dans un supermarché à Shenyang, province chinoise de Liaoning, en 2012. / Sheng Li / REUTERS

Le groupe chinois Kweichow Moutai, n’a pas la notoriété de son compatriote Alibaba. Et pourtant, il pèse plus lourd que lui en Bourse. Le spécialiste de l’alcool blanc national, le baiju, a pu trinquer à son record : le titre de Moutai est devenu fin juin, à la Bourse de Shanghaï la première action chinoise à dépasser la barre des 1 000 yuans (129 euros), même si elle s’est quelque peu repliée depuis. Pas étonnant, alors de voir entrer Moutai dans le classement 2018 des 50 plus grands groupes mondiaux de biens de consommation, publié jeudi 11 juillet, par le cabinet OC & C.

Avec un chiffre d’affaires de 9,8 milliards de dollars (8,7 milliards d’euros), cette société d’Etat chinoise et son eau-de-vie se place en 46e position, juste derrière Carlsberg. Le leader mondial des spiritueux, le britannique Diageo et son challenger le français, Pernod Ricard devancent également le chinois. « Mais Moutai affiche une croissance annuelle de 25 %, la plus forte de toutes les entreprises de notre classement », souligne David de Matteis, associé d’OC & C.

Moutai rejoint ainsi dans la liste quatre autres grandes entreprises chinoises. A noter, qu’il n’y en avait aucune il y a dix ans encore. La plus importante en termes de chiffre d’affaires n’est autre que l’industriel de la viande WH Group, leader mondial du porc. Il est suivi par deux groupes laitiers Mengniu et Yili. Sachant que Yili se diversifie aussi dans l’eau en bouteille et les boissons à base de soja. Enfin, Tingyi, spécialiste des nouilles instantanées, complète le tableau.

Eau-de-vie élaborée à base de sorgho

« Moutai est la plus grande marque dont personne ne connaissait l’existence hors de Chine. » Cyril Camus, PDG de la maison de cognac Camus souligne ainsi le paradoxe de cette marque d’alcool « véritable porte-étendard en Chine ». Cette eau-de-vie, essentiellement élaborée à base de sorgho, a su se rendre désirable, aussi bien aux yeux de la nomenklatura qu’auprès d’une population avide de signes de reconnaissance. « L’entrée de gamme de Moutai se vend 275 euros les 50 cl, et le prix peut aller jusqu’à 1 500 voire 2 000 euros la bouteille », estime M. Camus.

Le patron de la maison charentaise a noué un partenariat avec l’entreprise d’Etat chinoise il y a quinze ans pour aider Moutai à sortir de ses frontières. Il l’a fait entrer dans les boutiques d’aéroport avec un statut haut de gamme, redessinant bouteille et cartonnage. Un travail de longue haleine quand le baiju n’avait sa place dans aucun concours international, ni dégustation.

« Moutai est tout à la fois une appellation d’origine contrôlée, une marque et une entreprise », explique M. Camus. Un cas de figure unique. « La capacité de production de l’appellation située dans la région de Guizhou [sud-ouest de la Chine] est limitée, il y a un système d’allocations comme pour des grands crus », ajoute-t-il. Pour accroître la production, Moutai aurait déplacé la ville de 16 000 habitants installée sur l’appellation afin de gagner du terrain. Un sol où sont creusés les puits dans lesquels le sorgho fermente. La rivière dont l’eau vient alimenter le process est également protégée. Après la distillation, l’eau-de-vie vieillit au moins cinq ans.

Afin de développer son activité, la société chinoise propose aussi sous sa marque des baijus produits dans d’autres régions chinoises. Mais une révolution de palais a agité récemment Moutai. Une nouvelle équipe dirigeante a été nommée en mai. A elle, de remettre de l’ordre dans les diversifications et dans la nébuleuse de la distribution. Et de réussir à faire de Moutai une marque internationale.