Paul Magnette, à Namur, en mai 2017. / BRUNO FAHY / AFP

Paul Magnette a porté l’offensive contre l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Canada, en 2016, lorsqu’il était ministre-président de la région wallonne. Aujourd’hui chef de file du parti socialiste (PS) en Wallonie, il continue de penser que ces accords ne peuvent être acceptés sans une série de garanties.

L’arrêt rendu fin avril par la Cour de justice de l’UE indique que le CETA est conforme au droit européen. Cela apaise-t-il vos craintes ?

Nous considérons toujours que les tribunaux d’arbitrage prévus dans le CETA n’ont pas de raison d’être, parce que ce sont des juridictions d’exception, qui ne sont ouvertes qu’aux entreprises. Cela crée une asymétrie entre d’un côté les petits producteurs, les consommateurs et les travailleurs qui n’ont pas accès à ce type de juridiction, et les entreprises qui peuvent s’en emparer. Par ailleurs, même si la Cour dit l’inverse, les grands groupes y ont, dans les faits, beaucoup plus facilement accès que les petits.

En Belgique, les entités fédérées doivent aussi ratifier l’accord. Pourraient-elles le rejeter ?

C’est possible. En 2016, trois gouvernements s’y étaient opposés : le gouvernement wallon, le gouvernement bruxellois et le gouvernement de ce qu’on appelle la communauté française, qui regroupe les Wallons et les Bruxellois francophones [Fédération Wallonie-Bruxelles]. Mais, aujourd’hui, ces trois gouvernements sont en cours de formation à la suite des élections du 26 mai. Il se pourrait que les accords de majorité de ces trois gouvernements prévoient qu’il n’y ait pas de ratification. Mais, pour l’instant, il est trop tôt pour le dire.

Etes-vous au courant des intentions des autres Parlements en Europe. Certains pourraient-ils rejeter l’accord ?

Pour le moment, le Parti socialiste est dans l’opposition dans la plupart des niveaux de pouvoir en Belgique, nous avons donc moins de contacts avec les autres parties prenantes en Europe. Mais le CETA continue de faire débat un peu partout. Et pas seulement sur l’aspect des arbitrages privés. La question climatique est aussi prégnante : ce type de traité de libre-échange a été négocié avant l’accord de Paris et ne tient pas du tout compte de la lutte contre le réchauffement climatique. Cela pose de vraies questions : est-ce que cela a du sens de continuer à promouvoir des échanges notamment sur des produits agricoles, à l’époque où l’on prétend être les champions du monde en matière de changements climatiques ?

Doit-on comprendre que vous et votre parti allez recommander de rejeter cet accord ?

Lors de la campagne électorale, nous avons dit que nous refuserions de ratifier les traités s’il n’y a pas un certain nombre de conditions, qui sont des clauses sociales et environnementales obligatoires, un calcul du bilan carbone des importations et des exportations. On ne dit pas que c’est toujours nocif : importer des produits agricoles qui viennent du bout du monde, même si c’est paradoxal, peut être climatiquement plus censé que de le produire nous-même. Ainsi l’agneau de Nouvelle-Zélande, nourri uniquement de pâturage, a un bilan carbone inférieur à celui produit dans beaucoup de régions d’Europe, lorsqu’il est nourri de céréales importées. Il ne faut pas être sectaire. Mais, dans le cas du CETA ou de l’accord avec le Mercosur, cela continue à poser de vraies questions.

A ce stade, sans clauses sociales et environnementales suffisantes, sans prise en compte de l’impact sur le réchauffement climatique, sans exclusion des mécanismes d’arbitrage privés, pour nous, ils ne sont pas acceptables.