Lors d’un don du sang  à Tours, en 2017. / GUILLAUME SOUVANT / AFP

C’est la dernière étape avant que les hommes homosexuels ne rentrent dans le droit commun en matière de don du sang. Le ministère de la santé a annoncé, mercredi 17 juillet, la réduction – à partir du 1er février 2020 – de douze à quatre mois du délai permettant de donner son sang après la dernière relation sexuelle entre hommes. La « disparition de la référence à l’orientation sexuelle au profit de la recherche d’un comportement individuel à risque » devrait ensuite être envisagée à « l’horizon 2022 ».

Aujourd’hui, lors de l’entretien préalable à un don du sang, une personne hétérosexuelle se voit interdite de donner si elle a eu plus d’un partenaire sexuel au cours des quatre mois précédents. Un homme ayant des relations sexuelles avec des hommes, même s’il est en couple stable, est « présumé » à risque et ne doit donc pas avoir eu de relation sexuelle au cours des douze mois précédents.

Cette période d’abstinence avait été la condition fixée par Marisol Touraine, la ministre des affaires sociales et de la santé de François Hollande, pour ouvrir, en juillet 2016, le don du sang aux hommes homosexuels. Cette démarche leur était interdite depuis 1983, le nombre de personnes contaminées par le VIH étant 65 fois plus élevé chez les gays que chez les hétérosexuels, et le taux d’incidence de la maladie (nombre de nouvelles infections enregistrées) étant 200 fois plus élevé, selon les chiffres de l’Institut de veille sanitaire (actuel Santé publique France) en 2015. Or, même si toutes les poches de sang sont testées, le virus n’est pas détectable dans le sang pendant douze jours.

Douze mois, « c’est le délai au terme duquel nous sommes certains, d’après les éléments scientifiques dont nous disposons actuellement, que le niveau de risque est identique entre homosexuels et hétérosexuels », avait expliqué Mme Touraine. La ministre présentait alors cette décision comme une première étape. « S’il n’y a pas de risques, les règles qui s’appliquent aux homosexuels seront rapprochées des règles générales l’année qui suit », soit en 2017, annonçait-elle dans Le Monde en novembre 2015.

Plainte contre la France

Las. Cette période d’abstinence, pourtant fixée avec l’aval d’une partie des associations de donneurs de sang, de patients, de personnes homosexuelles ainsi qu’avec les agences sanitaires, n’avait pas été comprise, suscitant incompréhension et railleries sur les réseaux sociaux.

En octobre 2018, à l’occasion de l’examen d’un amendement porté par un député socialiste visant à abolir ce délai d’un an, Agnès Buzyn, la successeure de Mme Touraine avenue de Ségur, s’était dite « étonnée, pour ne pas dire émue » de ce critère d’abstinence d’un an.

Face à des députés désireux d’inscrire dans la loi la fin d’une « discrimination » et d’une « hypocrisie », la ministre les avait appelés à ne pas inscrire « dans la loi des critères de sélection qui nous feraient prendre un risque un jour par rapport à un nouvel agent pathogène ou un risque d’épidémie », et elle s’était engagée à faire évoluer la réglementation.

Dans un communiqué publié mercredi 17 juillet, le ministère de la santé annonce que la réduction de la période d’abstinence, finalement privilégiée à l’ouverture du don du sang aux hommes homosexuels ayant eu un seul partenaire dans les quatre derniers mois avant le don, s’appuie sur des éléments « scientifiques, objectifs et indépendants ».

Selon la direction générale de la santé, la surveillance épidémiologique des donneurs de sang a notamment « montré que l’ouverture du don du sang aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes n’avait pas eu d’impact sur le risque résiduel de transmission du VIH par les produits sanguins, déjà très faible ».

En juin, plusieurs associations de défense des droits homosexuels avaient annoncé avoir porté plainte contre la France devant la Commission européenne pour discrimination. Cette période d’abstinence de douze mois « exclut dans les faits 93,8 % des gays du don du sang », faisaient valoir, dans un communiqué commun, Stop Homophobie, Mousse, Elus locaux contre le sida, SOS homophobie et Familles LGBT. A travers cette plainte, les associations, qui avaient été déboutées par le Conseil d’Etat en 2017, espéraient que la distinction française fondée sur le comportement sexuel des donneurs soit reconnue comme une discrimination illégale en raison de l’orientation sexuelle.