Des policiers américains escortent Joaquin Guzman à sa descente d’avion lors de son extradition, le 19 janvier 2017. / AP

Il a été le baron de la drogue le plus puissant au monde, il devrait finir ses jours en prison. Le narcotrafiquant mexicain Joaquin Guzman, dit « El Chapo », a été condamné mercredi 17 juillet à la perpétuité par un juge fédéral de New York. Ses avocats ont déjà annoncé qu’ils feraient appel.

Joaquin Guzman, 62 ans, avait été jugé coupable en février de dix chefs d’accusation, allant de « blanchiment » à « trafic de cocaïne » en passant par « organisation d’une entreprise criminelle ».

Depuis son extradition aux Etats-Unis le 19 janvier 2017, El Chapo – « le courtaud », un surnom dû à sa petite taille, environ 1,60 m – a perdu de son aura : isolé dans sa cellule 23 heures sur 24, il ne peut voir que ses avocats. Même sa femme est interdite de visite.

Joaquin Guzman a dirigé pendant vingt-cinq ans l’un des cartels les plus puissants au monde. Ses évasions rocambolesques ont alimenté sa légende et lui ont valu une notoriété internationale, jusqu’à son arrestation en 2016, qui a mis fin à des décennies de traque par les autorités.

Empire de la drogue

Un sac en papier à l’effigie d’« El Chapo », dans un stand de la marque de vêtements El Chapo 701, dirigée par sa fille, Alejandrina Gisselle Guzman Salazar. / FERNANDO CARRANZA / REUTERS

Né le 4 avril 1957 dans une famille pauvre d’un village des montagnes de Sinaloa, au nord-ouest du Mexique, il travaille dès l’enfance en vendant oranges, caramels et boissons gazeuses. Comme il le racontera à l’acteur Sean Penn lors d’un entretien en octobre 2015 censé rester secret mais qui contribuera à son arrestation, il se met, adolescent, à cultiver marijuana et pavot, faute d’alternatives.

« La seule façon d’avoir de l’argent, d’acheter de la nourriture, de survivre, était de faire pousser le pavot à opium, la marijuana, alors, à cet âge, j’ai commencé à en cultiver et à en vendre », confiait-il à l’acteur américain.

Il sera ainsi recruté par le chef du cartel de Guadalajara, Miguel Angel Felix Gallardo, surnommé « le parrain » des cartels mexicains modernes. Après l’arrestation de Gallardo en 1989, Guzman fonde avec trois associés le cartel de Sinaloa, dont il fera en quelques années un empire aux ramifications européennes et asiatiques. « Je fournis plus d’héroïne, de méthamphétamine, de cocaïne et de marijuana que n’importe qui dans le monde. J’ai des flottes de sous-marins, d’avions, de camions et de bateaux », se vantait-il dans l’interview à Sean Penn, publiée dans le magazine Rolling Stone.

La fortune amassée par le cartel lui vaudra de figurer un temps sur la liste du magazine Forbes des hommes les plus riches du monde, avant d’en sortir en 2013 en raison des dépenses nécessaires à sa protection.

Evasion par un tunnel

S’il alimentait une image de Robin des Bois aidant les pauvres et ridiculisant les puissants, El Chapo a aussi mené une lutte ultraviolente contre ses rivaux, une guerre entre cartels qui ravage aujourd’hui encore le Mexique.

Une fusillade en 1993 à l’aéroport de Guadalajara a notamment coûté la vie au cardinal Juan Jesus Posadas Ocampo, que des tueurs avaient confondu avec El Chapo.

Un mois après, le chef de cartel est arrêté au Guatemala. Détenu dans une prison de haute sécurité mexicaine, il soudoie ses gardes et s’échappe en 2001, caché dans un bac à linge sale. Les autorités mexicaines mettront treize ans à le rattraper, en février 2014, dans la station balnéaire de Mazatlan, où il se cachait avec sa femme Emma Coronel, une reine de beauté de trente-deux ans sa cadette, et leurs jumelles, nées aux Etats-Unis.

En juillet 2015, rebelote : Guzman s’évade par un tunnel de 1,5 kilomètre débouchant sous la douche de sa cellule et équipé de rails, illustrant l’ingéniosité de ses hommes et infligeant un sérieux camouflet aux autorités mexicaines. Cette nouvelle cavale sera brève : il est arrêté en janvier 2016 à Los Mochis, sur la côte Pacifique, dans son fief de Sinaloa.

C’est en interceptant des messages adressés à l’actrice américano-mexicaine Kate del Castillo que les autorités l’auraient retrouvé. L’actrice, qui incarnait une chef de cartel dans la série La Reine du sud, accompagnait Sean Penn pour l’interview de 2015.

« El Chapo » : le roi de l’évasion par tunnels
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