Et ce fut la goutte d’eau. Mardi 16 juillet, Mediapart a révélé que François de Rugy, alors député, avait utilisé son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), à raison de 7 800 euros en 2013 et 1 400 euros en 2014, pour financer une part de ses cotisations à son parti de l’époque, Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Puis qu’il avait déduit ces versements de son impôt sur le revenu 2015, bénéficiant ainsi d’une double défiscalisation, puisque l’IRFM est déjà exonérée d’impôt sur le revenu.

Si les règles d’emploi précises de l’IRFM ont été édictées en février 2015 par le bureau de l’Assemblée nationale, la loi et les règles du jeu qui s’appliquaient aux cotisations à des partis politiques étaient, elles, pourtant bien en place à l’époque des faits.

Ainsi, comme l’a vérifié Le Monde auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), la loi du 11 mars 1988 sur la transparence financière de la vie politique dispose qu’un parti politique ne peut recevoir de l’argent public que de deux sources : l’aide publique de l’Etat versée après les élections législatives en fonction des résultats et l’avoir fiscal sur les dons effectués par des personnes physiques. Il est par conséquent impossible pour un parti politique de recevoir quelque somme d’argent provenant de l’IRFM (rebaptisée avance de frais de mandat depuis 2017), de l’argent public donné en guise de défraiement par le Parlement.

Le bureau de l’Assemblée mentionne la loi

Cette interdiction est rappelée dans le dernier rapport de la déontologue de l’Assemblée nationale, Agnès Roblot-Troizier, livré en janvier 2019 au président de l’institution, Richard Ferrand (LRM) : « Sont par ailleurs interdits, au nom du respect de la législation applicable au financement de la vie politique et des campagnes électorales, les prêts, dons ou cotisations des partis politiques », écrit-elle au sujet de l’avance de frais de mandat (ex-IRFM).

En édictant ses règles d’emploi pour l’IRFM le 18 février 2015, le bureau de l’Assemblée lui-même mentionne cette loi noir sur blanc : « Le bureau rappelle que la loi ou la jurisprudence prohibent déjà certains usages de l’IRFM : utilisation par un candidat pour sa campagne électorale, dons à des œuvres ou cotisation à un parti politique », peut-on lire dans le compte rendu sur le site de l’Assemblée. Il est à noter qu’en mai 2016, François de Rugy est devenu membre de la délégation dudit bureau chargée de l’application du statut du député, donc de ces règles…

Le rappel de la loi et des règles du jeu s’appliquant aux cotisations aux partis n’ont d’ailleurs jamais manqué lors de la précédente législature. La CNCCFP n’a eu de cesse de le rappeler, dans ses circulaires régulièrement adressées aux parlementaires, comme dans cet extrait de 2014 : « L’IRFM qui se rapporte à l’exercice du mandat parlementaire et qui, à ce titre, est exonérée de l’impôt sur le revenu ne peut en aucun cas être utilisée pour payer une cotisation ou un don à un parti politique ouvrant droit à un avantage fiscal, comme l’ont confirmé à la commission le collège des questeurs de l’Assemblée nationale et le conseil de questure du Sénat. »

Le 12 mars 2013, le ministre du budget d’alors, un certain Jérôme Cahuzac, encore en poste pour quelques jours, répond à une question écrite d’un député sur l’avantage fiscal : « Les indemnités de fonction ou représentative de frais de mandat allouées aux parlementaires (…) bénéficient déjà de l’exonération d’impôt sur le revenu prévu au [dans] l’article 81 du CGI [code général des impôts]. Elles ne sauraient dès lors ouvrir droit à réduction d’impôt (…). » Il appartient désormais à la justice et à l’administration fiscale de décider de s’emparer ou non de l’affaire.