« Le voyage de Marta », film espagnol de Neus Ballus. / NEW STORY

LA LISTE DE LA MATINALE

Il faut sortir des sentiers battus pour profiter du cinéma cette semaine. Le remake du Roi Lion ne vaut pas – et de loin – l’original, le polar de Roschdy Zem est bien convenu et la biographie à peine déguisée du peintre Gerhard Richter par Florian Henckel von Donnersmarck reste sur l’estomac. Mieux vaut aller fouiller du côté de New York, avec le nouveau film d’Alex Ross Perry, de la Russie d’Eltsine, que chronique une débutante, Anja Reis, ou revenir sur l’étonnante conclusion de la carrière de Fritz Lang.

« Her Smell » : Elisabeth Moss en supernova du rock

[BANDE-ANNONCE] HER SMELL - AU CINÉMA LE 17 JUILLET avec Elisabeth Moss // Trailer FR
Durée : 01:39

Il faut imaginer le roi Lear en souveraine, l’esprit rongé non plus par l’âge mais par les stupéfiants, pour avoir une idée du personnage qu’Elisabeth Moss construit dans Her Smell. Un être magnifique et délabré, une étoile sur le point de s’éteindre, qui jette encore des rayons mortels. Alex Ross Perry, qui a déjà dirigé l’actrice dans Listen Up Philip et Queen of Earth, a écrit pour elle ce personnage de rock star qui entraîne tout ce qui l’entoure dans son effondrement. Her Smell n’est pas pour autant un film funèbre.

Divisé en cinq actes, le scénario ménage l’espace nécessaire à la survie, à l’espoir, même. Les dernières séquences jettent sur le chaos qui a précédé une lumière qui éclaire d’un jour bienveillant Becky Something, créature monstrueuse et pitoyable, artisan de sa chute et créatrice de sa rédemption. Elles sont surtout le moyen pour Elizabeth Moss d’ajouter d’autres dimensions à Becky Something, entraînant à sa suite tous les personnages pas si secondaires que ça (le groupe, sa famille, ses concurrentes et émules) qu’elle avait auparavant précipités dans l’abysse. Jusqu’au dernier de plan de Her Smell, magnifique de sérénité et d’ambiguïté. Thomas Sotinel

« Her Smell », film américain d’Alex Ross Perry, avec Elizabeth Moss, Agyness Deyn, Cara Delevingne, Amber Heard, Eric Stoltz (2 h 14).

« Folle nuit russe » : la longue chute de l’empire

Folle Nuit Russe de Anja Kreis - en salles le 17 juillet
Durée : 01:39

Pour son premier long-métrage, Anja Kreis prélève un morceau d’un monde à la fois proche et lointain, fixé dans un passé récent, celui de la fin des années 1990 en Russie, dans la ville d’Ivanovo pour être précis, longtemps un centre de l’industrie textile russe, célèbre pour l’importance du nombre de femmes qui y vivaient. La sourde tension qui s’affirme au fur et à mesure de la progression du récit donne au spectateur le sentiment d’une catastrophe imminente, au-delà des éclats de violence qui ponctuent, voire concluent, le récit.

Peinture d’une société tout à la fois résistante, résiliente et perpétuellement au bord de l’abîme, Folle nuit russe est traversé par un humour désespéré, la description parfois gogolienne de personnages et de situations plongés dans un monde absurde et sans avenir ni horizon visible. C’est à la fois drôle et terrible. Jean-François Rauger

« Folle nuit russe », film russe de Anja Kreis. Avec Aleksey Solonchev, Kseniya Kutepova, Ekaterina Vinogradova (1 h 17).

« Le Voyage de Marta » : à travers le miroir du tourisme

LE VOYAGE DE MARTA - BANDE ANNONCE
Durée : 01:40

Une adolescente, Marta (Elena Andrada), se retrouve malgré elle dans un village de vacances au Sénégal, en compagnie de son père (Sergi Lopez), un professionnel du tourisme. Mal à l’aise avec cet exotisme organisé, visant à divertir les « Blancs », Marta va faire par hasard connaissance avec le personnel du complexe hôtelier : une « femme de ménage » aussi jeune qu’elle, Aïssatou (Madeleine C. Ndong) et un animateur, Khouma (Diomaye A. Ngom), dont elle va se rapprocher.

Inspiré de situations vécues, le scénario exprime une grande finesse de points de vue. La réalisatrice, originaire de Barcelone, observe plus qu’elle ne juge et, même si l’on sent une certaine fragilité pour mener jusqu’au bout le récit, ce Voyage de Marta donne envie de suivre le travail de Neus Ballus. Clarisse Fabre

« Le Voyage de Marta », film espagnol de Neus Ballus avec Elena Andrada, Sergi Lopez, Diomaye A. Ngom (1 h 23).

« Le Tigre du Bengale » et « Le Tombeau hindou » : les derniers feux de Fritz Lang

L'AVENTURE SELON FRITZ LANG (Le Tigre du Bengale & Le Tombeau Hindou) - Bande annonce
Durée : 01:47

En 1958, après quarante ans d’exil américain, Fritz Lang revenait en Allemagne (RFA) où il reprit le projet de réaliser sa propre version (en couleurs cette fois) d’un scénario écrit en 1919. C’est ainsi que naquirent Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou.

L’architecte Harald Berger (Paul Hubschmid) vient en Inde pour effectuer des travaux de modernisation chez Chandra (Walther Reyer), le maharadjah d’Eschnapur. En chemin, il sauve Seetha (Debra Paget), une danseuse sacrée, d’un tigre du Bengale. Il s’éprend d’elle et devient le rival du maharadjah, qui veut l’épouser. Le Tombeau hindou raconte l’arrestation des amants, le supplice de Seetha, soumise au jugement de la danse du cobra avant d’être murée vivante dans un magnifique tombeau que Chandra veut faire édifier.

Une partie de la critique française est restée réservée sur ces superproductions exotiques. Les inconditionnels de Fritz Lang y voient, au-delà des péripéties romanesques, la quintessence de son génie de metteur en scène lorsqu’il évoque la passion, la vengeance, la justice, les images symboliques, et dévoile les architectures du palais et du temple, le monde souterrain des lépreux. Avec quelques réserves quant au scénario et à l’interprétation, on peut leur donner raison. Jacques Siclier

« Le Tigre du Bengale » et « Le Tombeau hindou », films allemands de Fritz Lang (1958), avec Paul Hubschmid, Debra Paget, Walther Reyer (1 h 36 et 1 h 38).