L’incivilité paraît tristement banale. Les faits, eux, ne le sont pas. Ce mardi 16 juillet, un conducteur comparaissait à la 16e chambre correctionnelle du tribunal de Paris pour avoir refusé la priorité et agressé un aveugle et son accompagnant.

La vidéo a fait le tour du net. Le 16 juin, un policier en civil passe par hasard dans le 12e arrondissement de Paris et filme la scène édifiante : un aveugle et son accompagnant tentent de traverser au passage piéton, quand un véhicule leur coupe la route en leur refusant la priorité. Mécontent, l’accompagnant porte un coup sur le toit du véhicule. Le chauffeur s’extrait alors de l’habitacle, furieux, et assène plusieurs gifles à l’accompagnant. Il invective l’aveugle à son tour en lui demandant d’enlever ses lunettes « pour le frapper », puis renonce. L’épouse du prévenu tente d’arrêter cette escalade de violence avant qu’un passant ne menace d’appeler la police. Le couple finit par regagner sa voiture.

« Je n’ai même pas vu qu’il avait une canne »

Devant ces images diffusées lors de l’audience, le prévenu, un homme de 68 ans, d’origine espagnole et accompagné par une traductrice, reste coi : « Je ne me reconnais pas. C’est la première fois de ma vie que cela m’arrive. » Selon lui, son déchaînement de violence est la conséquence d’un malentendu : « J’ai d’abord demandé pourquoi il avait tapé sur mon véhicule. Puis je n’ai pas compris ce que l’accompagnant m’a répondu. Je ne savais pas s’il avait prononcé le mot “piéton” ou “con”. Puis à partir de là, c’est la catastrophe », déclare le prévenu, profil bas.

- « Saviez-vous qu’il s’agissait d’un malvoyant ? » demande la présidente.

- « Non, je n’ai même pas vu qu’il avait une canne. J’apercevais juste qu’il avait quelque chose dans la main. »

- « Alors pourquoi avoir choisi de frapper l’un plutôt que l’autre les deux hommes portant tous deux des lunettes  ? », rétorque la présidente.

Silence. Après quatre jours d’incapacité totale de travail pour l’homme malvoyant, dus au choc émotionnel, les deux victimes, des jumeaux, sont encore très perturbées par cette agression : « J’ai ressenti une grande violence. En général, une voiture sur deux ne nous cède pas le passage et ça s’arrête aux injures, témoigne l’accompagnant. C’est la première fois que c’est aussi stressant. J’étais très inquiet pour mon frère. »

Les associations des aveugles et amblyopes, Voir ensemble mais aussi l’Union nationale des aveugles et déficients visuels (UNADEV), ont tenu à se constituer partie civile. « Vous êtes lâche, martèle l’avocat représentant l’association Voir Ensemble au prévenu. Lâche de vous en prendre à un homme, à un aveugle, de fuir les explications, de dire que vous n’avez pas vu qu’il était malvoyant. Soit vous mentez, soit vous êtes vous-même aveugle. »

Face aux deux frères, le prévenu se tord les mains, baisse la tête et demande pardon aux victimes. Il écope de 2000 euros d’amende, dont 1000 euros avec sursis, et de 18 mois de suspension du permis de conduire.