De l’eau du robinet, le 11 avril 2014. / AFP / FRANCK FIFE

C’est une contamination qui toucherait 6,4 millions de personnes. L’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) a dénoncé mercredi 18 juillet une « contamination » radioactive de l’eau potable en France.

« 6,4 millions de personnes sont alimentées par de l’eau contaminée au tritium » selon « des données fournies par le ministère de la santé », affirme le laboratoire basé à Hérouville-Saint-Clair, dans l’agglomération de Caen, dans un communiqué. « Aucune valeur ne dépasse le critère de qualité de 100 Bq/L (becquerel par litre) instauré par les autorités sanitaires », précise toutefois l’association, qui regroupe de nombreux scientifiques.

Selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), bras technique de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), « le code de la santé publique fixe une référence de qualité de 100 Bq/L pour le tritium qui ne représente pas une limite sanitaire mais un seuil qui, lorsqu’il est dépassé, entraîne une investigation complémentaire pour caractériser la radioactivité de l’eau ».

Par ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande « une valeur guide de 10 000 Bq/L pour le tritium dans l’eau de boisson, à considérer en cas de consommation permanente de l’eau », selon l’IRSN. Interrogé par Le Canard enchaîné, EDF a contesté ces arguments, assurant respecter les seuils de rejets radioactifs. L’entreprise considère par ailleurs que les risques pour la santé sont nuls : « La quantité de tritium dans l’eau du robinet est 170 fois au-dessous de la valeur à ne pas dépasser fixé par l’OMS. »

268 communes concernées

Mais « la présence régulière dans l’eau du robinet de tritium rejeté par les centrales nucléaires met en évidence un risque de contamination d’autres polluants radioactifs à des niveaux beaucoup plus élevés », argumente l’ACRO. Dans la limite d’un certain seuil, les entreprises sont autorisées à rejeter à l’eau des substances radioactives issues des centrales nucléaires. Le tritium représente 99,95 % de ces rejets, fait savoir Le Canard Enchaîné.

« Le tritium est un lanceur d’alerte : en cas d’accident grave sur une des centrales nucléaires sur la Seine, la Vienne ou la Loire, il n’y aura pas que le tritium rejeté et ce sont des millions de personnes qui risquent d’être privées d’eau potable. »

La « carte exclusive de la contamination radioactive de l’eau potable en France métropolitaine » publiée par l’ACRO à partir des données du ministère, « fait apparaître plusieurs zones avec une présence régulière de tritium dans l’eau du robinet » notamment le long de la Seine, de la Vienne et de la Loire, « à cause des rejets radioactifs » de centrales nucléaires, selon le communiqué.

Selon l’association, 268 communes sont concernées par cette concentration en hydrogène radioactif, dont de « grandes agglomérations » comme Orléans, Blois, Tours, Angers, Nantes, et 122 communes d’Ile-de-France.

Réagissant au communiqué de l’ACRO, la Criirad, autre laboratoire associatif travaillant sur le nucléaire, a dénoncé « la banalisation des contaminations en tritium » et « appelé à ne pas se laisser abuser par les comparaisons avec la référence de qualité de 100 Bq/L et, plus encore, avec la limite dite sanitaire de 10 000 Bq/L » .

« Les autorités acceptent, pour les polluants radioactifs, des niveaux de risque cancérigène plus de 100 fois supérieurs au maximum toléré pour les cancérigènes chimiques ! », affirme, dans un mail à l’Agence France-Presse, l’association basée à Valence, pour qui « la limite applicable à une contamination durable par le tritium ne devrait pas dépasser 10 à 30 Bq/L ».