Devant le studio KyoAni, à Kyoto (Japon), le 18 juillet. / BUDDHIKA WEERASINGHE / AFP

L’incendie, selon toute vraisemblance d’origine criminelle, qui a ravagé jeudi 18 juillet le studio d’animation Kyoto Animation (KyoAni) à Kyoto, a causé la mort de 33 personnes. Le bilan pourrait s’alourdir : 36 victimes ont été hospitalisées, dont certaines dans un état grave.

Cet incendie, le plus meurtrier que le Japon ait connu depuis celui survenu dans une salle de jeux à Tokyo en 2001 (44 morts) – qui n’était pas d’origine criminelle –, a suscité une grande émotion parmi les admirateurs de KyoAni au Japon et à l’étranger. Des centaines de milliers de messages circulent sur Internet exprimant chagrin et incompréhension. Des fans sont venus se recueillir devant l’immeuble incendié. « KyoAni m’a encouragé à vivre », a dit l’un d’eux à la chaîne de télevision publique NHK. KyoAni a produit des séries-cultes comme La Mélancolie de Haruhi Suzumiya. Le premier ministre, Shinzo Abe, a présenté ses condoléances aux familles des victimes. « Un acte odieux », écrit le quotidien Asahi.

Le feu parti du rez-de-chaussée en milieu de matinée s’est étendu rapidement aux deux étages supérieurs. En quelques minutes, le petit immeuble était embrasé, une épaisse fumée sortant des fenêtres. Les pompiers qui ont mis cinq heures à maîtriser les flammes ont découvert à l’intérieur des scènes d’horreur dont des corps entassés dans un escalier : ceux d’employés qui avaient essayé de se réfugier sur le toit. Selon les premières conclusions de la police, « un homme a versé un liquide inflammable [de l’essence selon les médias] et a mis le feu ». Au moment de l’incendie, plus de 70 personnes se trouvaient dans l’immeuble.

« Vous allez mourir ! »

L’auteur présumé de cet incendie, lui-même grièvement brûlé, a été retrouvé à une centaine de mètres de l’immeuble. Cherchant à s’enfuir, il avait été rattrapé par un employé du studio. Il a été place à l’hôpital sous surveillance policière. Agé d’une quarantaine d’années, il est originaire du département de Saitama au nord de Tokyo mais semble sans domicile fixe. Etant donné son état, la police ne pourra l’interroger avant quelques jours. Dans la rue ont été découverts des jerricanes d’essence et des couteaux de cuisine qu’il avait avec lui.

Selon la presse, l’homme serait entré dans l’immeuble de KyoAni en hurlant « Vous allez crever ! » Puis, il aurait aspergé d’essence le rez-de-chaussée ainsi que les employés qui s’y trouvaient et mis le feu. Des victimes, les vêtements en flammes, ont réussi à fuir.

Les motivations du suspect font l’objet de spéculations. Dans les semaines qui ont précédé le drame, KyoAni avait reçu des menaces de mort anonymes, a déclaré Hideaki Hotta, son directeur. En principe, les portes du studio sont verrouillées mais ce matin-là, elles ne l’étaient pas car des visiteurs étaient attendus. Selon la presse, le suspect aurait un casier judiciaire pour avoir volé dans une supérette en 2012 à Ibaraki.

KyoAni, fondée en 1981, est une entreprise connue pour son indépendance financière et les conditions de travail enviables de ses employés. KyoAni a aussi une école de formation. Employant 160 personnes, l’entreprise, l’une des rares du secteur de l’animation dont le siège n’est pas à Tokyo, dispose de plusieurs studios à Kyoto et dans les environs.

Epargné par les attentats terroristes depuis l’attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo par la secte Aum Shinrikyo en 1995 (quinze morts et des milliers d’intoxiqués) et jouissant du plus faible taux de criminalité des pays de l’OCDE, le Japon a la réputation d’être l’un des pays les plus sûrs du monde. Il n’est pas exempt pour autant d’actes de violence aveugle perpétrés par des déséquilibrés saisis d’une rage de tuer. Le plus souvent, ces meurtres sont commis à l’arme blanche : la possession d’armes à feu étant très strictement réglementée.

En mai, un homme armé de longs couteaux de cuisine avait attaqué un groupe de collégiennes et deux adultes à un arrêt d’autobus à Kawasaki, en banlieue de Tokyo, causant la mort de l’une d’elles âgée de 11 ans et d’un homme. L’agresseur s’était ensuite donné la mort. Comme dans le cas de KyoAni, il avait hurlé « Vous allez mourir ! » en passant à l’attaque. En juillet 2008, un homme de 25 ans avait lancé une camionnette dans une avenue piétonne du quartier d’Akihabara à Tokyo, haut-lieu de l’univers des mangas et des animés, avant de poignarder au hasard des passants blessant dix-sept personnes dont sept mortellement. « Je suis venu à Akihabara pour tuer. N’importe qui », avait-il déclaré à la police.