Des supporteurs algériens font la queue, le 16 juillet 2019, devant le Stade du 5-juillet-1962 à Alger, pour acheter des billets d’avion pour Le Caire, afin de soutenir leur équipe lors de la finale de la Coupe d’Afrique des nations entre l’Algérie et le Sénégal. / RYAD KRAMDI / AFP

« Mama Africa, on est là. On est là ! » L’air entêtant, diffusé dans tout le centre-ville par le camion sono de la fédération algérienne de football, peine à couvrir le joyeux vacarme qui emplit la capitale en cette veille de match, jeudi 18 juillet. Vers 18 heures, en bande et en famille, tout Alger est de sortie.

Cortèges de voitures, klaxons bloqués, pétards, feux d’artifice, drapeaux au vent : les supporteurs algériens ont lancé dans les rues de la capitale leur finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), vingt-quatre heures avant le coup de sifflet de l’arbitre. Comme s’ils s’entraînaient pour le lendemain, anticipant le sacre. Ou peut-être valait-il mieux faire la fête ce jeudi, sait-on jamais…

On en profite aussi pour célébrer le bac, dont les résultats viennent d’être annoncés. « Mabrouk alina ! » (« Félicitations à nous ») scandent une demi-douzaine de jeunes, filles et garçons, déclenchant un fumigène rouge vif au beau milieu du tunnel des facultés : effet visuel et acoustique garanti.

« Sorry Gaïd Salah »… pour le bruit. Détournant un slogan qui vise le chef d’état-major de l’armée pendant les manifestations, des supporteurs du club Mouloudia d’Alger ont élu domicile au milieu de la chaussée, face à la grande poste. Dans une vieille Peugeot, une sono crache chants ultras et hymnes à la gloire des Fennecs, l’équipe nationale.

« La coupe est à nous ! »

Chez ces « Chnaouas » – leur surnom, ils se disent aussi nombreux que les Chinois –, zéro doute : « La coupe est à nous ! » Il faut faire preuve de doigté avant de convoquer la glorieuse incertitude du sport et de souligner que le match n’est pas encore joué. « Sur le terrain, on l’a gagné. Sauf si… l’arbitrage ! », crie un grand gaillard coiffé d’un chapeau de carnaval tricolore – rouge, vert, blanc.

Chacun y va de ses raisons qui pourraient conduire l’Algérie à perdre la finale. Aucune n’est sportive, évidemment. Et toutes ont à voir avec l’« hostilité historique » que vouerait la Confédération africaine de football (CAF) aux Algériens. « Ils ont changé l’arbitre au dernier moment. Ce n’est plus le Sud-Africain, c’est un Camerounais venu de nulle part ! », dit l’un. « La femme ou la fille – je ne sais plus – du président sénégalais a le bras long… », souligne un deuxième fan d’un air entendu. Et puis « il y a l’Etat égyptien. Pas le peuple, ce sont des gens bien. Mais l’Etat. Il en crèverait de nous voir gagner ! Heureusement que l’on a plus de 10 000 supporteurs au Caire ».

On ne sait si les Algériens seront aussi nombreux dans la capitale égyptienne. Mais l’annonce par les autorités égyptiennes de la gratuité de l’accès au stade, vendredi, sur présentation d’un passeport algérien, n’a pas arrangé les affaires des personnels et policiers de l’aéroport d’Alger…

Le gouvernement a beau avoir renforcé son « pont aérien » en affrétant trente-sept avions pour transporter 5 700 supporteurs en Egypte, ils étaient encore des dizaines, en fin d’après-midi, à tenter de forcer l’entrée du hall des départs dans l’espoir d’arracher une place à bord.

« Ah, le ballon… Les gens, ici, n’ont que ça pour décompresser, il faut les comprendre ! », résumait un chauffeur de taxi. Avant de brusquement tempérer son enthousiasme : « Parfois, cela va trop loin ». Au même moment, le journal d’information de la chaîne 3 diffusait un reportage sur « les risques d’attaques cardiaques que pourrait générer le stress de la finale chez les personnes les plus vulnérables ».

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