Le maillot jaune du Tour de France remporte à la surprise générale le contre-la-montre de Pau, en devançant Geraint Thomas, le favori, de 14 secondes. C’est la première victoire française dans une étape contre-la-montre du Tour depuis Jean-François Bernard au Mont Ventoux, en 1987 (en 2002, Christophe Moreau avait remporté le prologue à Dunkerque. Alaphilippe devance désormais le vainqueur sortant d’une minute et 26 secondes. Les autres vainqueurs du jour sont Rigoberto Uran, Richie Porte, Steven Kruijswijk et Thibaut Pinot, tandis que Egan Bernal, Adam Yates et Romain Bardet perdent plus que prévu, à la veille de l’arrivée au Tourmalet.

GONZALO FUENTES / REUTERS

Julian Alaphilippe est en dérapage contrôlé.

Il vient de franchir la ligne d’arrivée du contre-la-montre de Pau, en jaune, avec 14 secondes d’avance sur le vainqueur sortant, Geraint Thomas, 33 ans dont 23 à rouler seul face au chrono. Alaphilippe hurle sa joie face à son staff, freine et fait sauter sa roue arrière pour se jeter dans leurs bras, hilare. Les assistants embrassent « Loulou », ce surnom qui lui va comme un gant. Comme l’écrivait joliment Libération jeudi, « on entendra ce qu’on veut derrière “Loulou” : la marmaille, le loulou de Poméranie des balades sous les platanes ou bien “marlou”, car cet homme transpire quelques litres de vice ».

Là, il y a de la sueur aussi. Alaphilippe a grimpé la côte vicelarde à 500 mètres de l’arrivée comme si les 26,7 kilomètres qui précédaient n’avaient pas existé, en danseuse, la selle se balançant dans son dos comme la tête du chien oscille à l’arrière de la bagnole. Sur cette portion, il a repris huit secondes à Thomas, huit de plus à un capital qui augmente depuis La Planche des Belles Filles et ressemble aujourd’hui à un trésor de guerre, un monceau de secondes, 86, qu’il planque sous son maillot jaune.

Alaphilippe, assis, contre les barrières, se marre. Il y croit à peine, il le dira plus tard. Il a déjà brillé contre-la-montre, mais jamais à ces hauteurs. Il savait que le parcours lui convenait, avec cette côte pour puncheurs dans la première moitié, ces descentes sinueuses, ces relances le long des barrières, un truc pour les habiles comme lui. Mais au sommet de la bosse, après la mi-course, il n’avait que 5 secondes d’avance sur Geraint Thomas. Le retour sur Pau, avec une ligne droite de huit kilomètres, aurait dû lui être fatale. Mais la logique, avec les jambes qu’il tient là, peut bien attendre encore.

« S’il continue à ce rythme, il va gagner »

Au même moment, 300 mètres plus loin, Geraint Thomas vient de finir de reprendre son souffle. Les micros veulent son commentaire. Lui s’est trouvé « pas trop mal », hormis ces huit derniers kilomètres, sur le plat, où il a voulu envoyer toute sa puissance de jambes sans y parvenir. Puis : « On vient d’apprendre qu’Alaphilippe a gagné l’étape, vous êtes surpris ? »

Thomas ne tique pas. « Oui, je ne m’y attendais pas. Il va de toute évidence très très fort. C’est désormais le favori, celui à surveiller pour le moment. Vu comment il roule, s’il continue à ce rythme, il va gagner. Mais il reste beaucoup à faire. » L’avant-veille, journée de repos, le Gallois ne semblait pas particulièrement inquiet du Français.

CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

A l’hôtel de l’équipe Ineos, le directeur sportif Nicolas Portal se marre, « Français avant tout ». Le voilà à deux doigts de souhaiter la victoire d’Alaphilippe sur les Champs-Elysées. « Ca va flatter Julian mais je ne pense pas que G aurait pu aller plus vite. Il a montré très fort, il a fait un retour super rapide sur le plat. Pour aller plus vite, il aurait pris beaucoup trop de risques dans les descentes. Donc de la voiture, vraiment, on ne voit pas où G aurait pu aller plus vite. »

« Maintenant, celle de Julian, incroyable, quoi. Tant mieux, c’est bien. On s’était dit qu’il pouvait gagner, même s’il y avait très peu de chances. Il n’a jamais fait une performance aussi incroyable, après 12 étapes à rouler devant, à attaquer, à être le meilleur. Si demain, dans les derniers kilomètes du Tourmalet, il perd zéro temps, on a tous des problèmes. »

Julian Alaphilippe, de son côté, aura-t-il des problèmes ? En conférence de presse, il lui est demandé si, compte tenu du contexte de son sport, il sera prêt à affronter la suspicion en restant maillot jaune au-delà des Pyrénées.

Voici sa réponse, avec le sourire : « Je ne suis pas là pour répondre à des suspicions. Je sais le travail que j’ai fait pour en arriver là. Je suis le premier étonné donc forcément, si ça crée de la suspicion… C’est comme ça. Quand on réussit, quand on fait des choses comme ça, ça fait forcément parler, ça crée forcément de la suspicion. Si j’étais lanterne rouge du Tour, il n’y aurait pas de suspicion. Ça crée des rumeurs, des discours, on pense ce qu’on veut. Je suis juste en train de faire du vélo comme je l’aime. Le reste… Ca me fait rigoler. »

Paris est dans neuf jours.

Compte rendu de La Course by le Tour by LeMonde.fr

Organisée le matin du contre-la-montre du Tour de France, La Course by le Tour, appellation officielle de l’épreuve organisée by Amaury Sport Organisation (ASO) a été une formidable publicité pour le cyclisme by les femmes. Sur le tracé vallonné du contre-la-montre de Pau, à parcourir cinq fois, c’est la Néerlandaise Marianne Vos qui s’est imposée dans la ville de François by Rou. En plaçant une attaque dans la côte raide placée à 400 mètres de la ligne, elle a doublé l’Australienne Amanda Spratt qui s’était offert un long by à l’avant de la course. Partie à 46 kilomètres de l’arrivée dans un groupe de cinq, Amanda Spratt by Mitchelton-Scott a longtemps résisté aux attaques des favorites comme Annemiek by Vleuten ou Anna by der Breggen. Sur le podium, Vos devance Lucinda Brand et Cecilie Uttrup. Marianne Vos avait déjà remporté la première édition de La Course by le Tour.

Le Tour du comptoir : Pau

Après chaque étape, Le Monde vous envoie une carte postale depuis le comptoir d’un établissement de la ville de départ.

Où l’on n’a toujours rien compris au cricket.

Chaque année, le Tour fait étape à Pau et chaque année, les journalistes du Tour font étape au Palais Beaumont de Pau, une salle de conférences avec vue sur les Pyrénées et bistrot sans charme. Pas comme chaque année, le parcours de l’étape passe devant le Palais Beaumont et pas comme chaque année, il y a du monde au bistrot, dont cinq Britanniques sans charme avec vue sur les Pyrénées. On dit sans charme parce qu’il faut avouer que la tenue de cycliste n’a jamais soigné personne.

Peter, Chris, Ben, Simon, Helen et Mat (un seul T), qui sont probablement les cinq prénoms les plus communs du bottin anglais, sont arrivés il y a deux jours à Toulouse et quitteront la France après-demain. Palmarès des trois choses qui les ont le plus étonnés depuis leur arrivée sur le Tour : le pastis à 10 heures du matin, vu sur le bas-côté dans la Hourquette d’Ancizan ; ce père de famille qui a grimpé la même Hourquette d’Ancizan avec ses enfants de 8 et 10 ans (estimation de Peter) ; l’abnégation du vendeur d’accessoires du Tour de France, qui subit la même bande-son depuis le début de la journée et, supposent-ils, depuis le début du Tour.

Il y a aussi une chose que Ben emprunterait volontiers aux Français, c’est leur penchant pour la décapitation, mais uniquement pour Boris Johnson.

Les cinq ont une certaine tendresse pour la France qui organise cette course de vélo au service des Britanniques, et n’auraient rien contre une victoire tricolore cette année, « puiqu’on la gagne quand on veut ». C’est comme le cricket, ajoute Mat.

Rappel pour ceux qui étaient trop occupés à regarder la finale de Wimbledon, voire la victoire de Daryl Impey à Brioude : dimanche, l’Angleterre a remporté la Coupe du monde de cricket face à la Nouvelle-Zélande, pour la première fois en 12 éditions (c’est comme si la France avait attendu 1914 pour gagner le Tour, ridicule donc). Peter a tenté de me raconter « cette finale incroyable », après m’avoir fait cette confession : « J’ai joué cinq fois par semaine au cricket quand j’étais jeune, et aujourd’hui je ne comprends plus rien. » Le cricket a en effet modifié légèrement ses règles pour s’adapter aux télévisions.

La finale s’est joué au « super over », qui est au cricket ce que la prolongation est à tous les autres sports, sauf que le concept date de 2008, sauf qu’à la Coupe du monde, on ne l’utilise qu’en finale. Faut suivre. « Après 300 balles chacun, les deux équipes étaient à égalité. Mais après les 6 balles supplémentaires, elles étaient à égalité. Ils ont décidé que l’Angleterre avait gagné au “boundary count”, une règle qu’on a découverte à cette occasion. »

« C’est comme le Brexit, précise Chris : on invente les règles au fur et à mesure. Sauf que là, les Anglais ont gagné. Penser qu’on va gagner au change avec le Brexit, c’est comme si j’étais au pied du Tourmalet et que je pensais que j’allais le grimpeur plus vite que Geraint Thomas. »