Le cortège est parti de la gare RER de Beaumont-sur-Oise, et rendait hommage à Adama Traoté, mort le 19 juillet 2016. / KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Il y a tout juste trois ans, la mort d’Adama Traoré était constatée devant la caserne de gendarmerie de Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise), peu après son arrestation au terme d’une course-poursuite. Samedi 20 juillet, 5 000 personnes selon les organisateurs – 1 500 selon les gendarmes – ont défilé en hommage au jeune homme de 24 ans, mort dans des conditions qui demeurent controversées.

Le cortège, parti de la gare RER de Beaumont-sur-Oise, a marché dans le calme. « Pas de justice, pas de paix », « justice pour Adama » ou encore « tout le monde déteste la police », ont scandé les manifestants. « On ne veut pas qu’en 2020, il y ait encore une marche pour Adama mais qu’il y ait un procès », a ajouté Assa Traoré, sœur d’Adama devenue figure de premier plan des luttes contre les violences policières.

Depuis le début de l’affaire, la famille demande toujours à l’instruction la mise en examen des gendarmes. Mais l’enlisement du dossier est devenu le symbole de la difficile lutte contre les violences policières. « Combat pour tous les Adama ! », a lancé Assa Traoré, appelant à une « convergence » pour mener le « combat contre les violences policières ». « Cette marche avec les gilets jaunes est un grand pas dans le combat contre les violences policières », a-t-elle affirmé lors d’une conférence de presse, quelques minutes avant le début de la manifestation.

Un mouvement « unique »

Pour Antoine Boudinet, 23 ans, blessé gravement à la main à Bordeaux, pendant une manifestation « gilets jaunes », ce n’est que « par la convergence des luttes et en étant soudés que nous allons obtenir gain de cause pour les mutilés, c’est le même combat pour tout le monde ». Jean-Marc, 55 ans, un « gilet jaune » des Hauts-de-Seine, n’a « pas hésité » à participer à la marche car « nous subissons depuis six mois la répression de la police que subissent les quartiers depuis des années ».

Dans le cortège, se trouvaient aussi des représentants de plusieurs associations. « Aujourd’hui la violence policière est généralisée et nous sommes tous ici pour faire cesser ces impunités », a déclaré Nicolas Krameyer, responsable du programme Libertés à Amnesty France.

Même chose du côté de la LDH venue « soutenir la famille Adama et toutes les victimes de violences policières en raison de leurs origines ou couleur de peau », a déclaré l’avocat Arié Alimi.

Pour l’écrivain Edouard Louis, soutien de longue date du Comité Adama, ce mouvement est « unique » car « il est producteur et rend possible d’autres mouvements sociaux comme les comités pour d’autres victimes de violences policières », a-t-il assuré. La marche s’est terminée avec des prises de parole dans le quartier de Boyenval, où a vécu Adama Traoré. Des concerts dont celui du rappeur Fianso sont annoncés dans la soirée.

Rebondissement en mars

En mars, les juges d’instruction qui s’apprêtaient à clore leur enquête sans mettre en cause les gendarmes, ont rouvert leurs investigations après la remise d’un rapport médical réalisé à la demande de la famille et qui contredisait les conclusions sur le décès, attribué jusque-là à l’état de santé antérieur du jeune homme.

Le Comité de soutien à Adama Traoré s’est félicité mardi que de nouvelles « investigations techniques » aient été effectuées pour calculer la distance parcourue par le jeune homme lors de la course-poursuite. En l’occurrence, une distance de « 450 mètres » à « vol d’oiseau », incompatible, selon ses proches, avec les observations du collège d’experts désigné par les juges qui « avaient affirmé qu’Adama Traoré avait fourni un effort intense durant 15 minutes avant d’être interpellé ».

En revanche, les juges n’ont pas encore ordonné la nouvelle expertise médicale annoncée en avril, après la remise du rapport fait à la demande de la famille. « La décision des juges d’ordonner une énième expertise va rallonger inutilement l’enquête. Les gendarmes doivent être jugés pour avoir causé la mort d’Adama Traoré », a réagi l’avocat de la famille Traoré, Me Yassine Bouzrou.

En 2016, plusieurs nuits de violences avaient suivi la mort d’Adama Traoré. Son grand frère, Bagui, a récemment été renvoyé devant les assises pour tentative d’assassinat, accusé d’avoir tiré sur les forces de l’ordre lors de ces violences.