« IN Europe » (« dans l’Europe ») ou « INsane » (« dingue »), propose cette pancarte brandie par des manifestants à Londres, le 20 juillet. / Philippe Bernard / Le Monde

« Non à Boris, oui à l’Europe ». Voilà Boris Johnson prévenu. Trois jours avant sa probable désignation comme premier ministre, les Britanniques proeuropéens lui ont signifié, samedi 20 juillet dans les rues de Londres, qu’ils n’ont pas baissé la garde. Ce ne fut pas le déferlement spectaculaire, compact et déterminé du 23 mars – un million de manifestants –, mais une sérieuse piqûre de rappel administrée par le noyau dur des anti-Brexit : des gens plutôt militants, plutôt intellectuels, plutôt âgés. Entre Hyde Park et Westminster, ces quelques milliers d’irréductibles Britanniques européens ont conspué dans un même souffle le Brexit et celui qui promet de le mettre en œuvre « coûte que coûte » d’ici au 31 octobre.

« Ce n’est pas mon premier ministre, ce n’est pas Brexit », se défendait un porteur de pancarte. Une autre donnait le choix entre un drapeau de l’UE – « IN Europe » et un portrait de M. Johnson « INsane » (« dingue »). « Quand on choisit un clown comme premier ministre, on a un cirque », résumait Mark, 48 ans, professeur d’Italien à l’université du Kent. « Il ne durera pas. Le Parlement lui fera obstacle. On ne s’en sortira que par un second référendum », voulait croire Vicky et Rebecca, deux enseignantes de français. « C’est triste à dire, mais j’espère qu’il va se planter », renchérissait Steve, informaticien.

Des opposants de Boris Johnson, samedi 20 juillet à Londres. / TOLGA AKMEN / AFP

« Boris » mis à part, ce fut un nouveau déferlement de drapeaux bleus étoilés, comme Londres est la seule capitale à en avoir donné plusieurs fois le spectacle ces dernières années. « L’Europe, c’est chez moi », proclame une marcheuse. « Stoppons le Brexit, sinon, nous allons devenir les vassaux de Trump », avertit une autre. « 46 ans de paix et de prospérité. Brexiters, cessez de jouer avec notre avenir ! », implore un troisième manifestant. Dans une rue adjacente, un accordéoniste joue sans fin l’Hymne à la joie, entraînant des danseuses portant l’autocollant « Bollocks to Brexit » (littéralement « Brexit, mes couilles »), slogan devenu l’ultime signe de ralliement des proeuropéens, scandé d’un bout à l’autre du défilé.

La spectaculaire absence du parti travailliste et de tout mot d’ordre général a, une fois encore, permis aux manifestants de laisser libre cours à leur créativité et à leur humour anglais à travers d’innombrables pancartes « fabriquées à la maison ». « J’en ai assez de fabriquer des pancartes et je n’aime pas la foule. Stop au Brexit », avouait l’une. « Brexit, un petit vote pour l’homme, un grand bon en arrière pour l’humanité », estimait une autre en référence à la phrase de Neil Amstrong prononcée voici tout juste cinquante ans. D’autres slogans appelaient à l’organisation d’un second référendum : « Avant de nous mener au bord de la falaise, demandez-nous si nous voulons y aller ». Seule personnalité politique repérée : Ed Davey, l’un des deux candidats pour le poste de leader des LibDems (proeuropéens) qui doit être attribué lundi.

Andy, un professeur de 63 ans adhérent intermittent du labour, affirmait être présent pour exprimer son « désespoir de voir disparaître dans un sale nationalisme tout l’esprit d’ouverture construit depuis 1945 ». Il avouait faire aussi « repentance » pour son vote de 2016 en faveur du Brexit. « A l’époque, j’avais voulu exprimer une petite protestation sans imaginer que le Brexit pouvait gagner. Je me suis fait allumer par toute ma famille. J’espère que l’UE restera ferme et résistera à Boris Johnson et que cela provoquera des élections ». Ce que Mark, le professeur d’italien déjà cité, résumait solennellement sur un ton proche de la supplique : « J’espère que les Européens vont nous sauver de nous-mêmes ».

Notre sélection d’articles pour comprendre le Brexit

Retrouvez tous nos articles sur le Brexit dans cette rubrique.