Le pianiste et chef d'orchestre allemand, bientôt 80 ans, doit son incroyable parcours à sa famille adoptive, qui l’a initié à la musique. / © 3B-Produktion

ARTE
DIMANCHE 21 JUILLET
23.45
DOCUMENTAIRE

Christoph Eschenbach a des allures de bonze austère, habillé de vêtements stricts aux tissus soyeux et au col Mao. Il est d’ordinaire plutôt taiseux mais, dans le documentaire que lui a consacré Andreas Morell, le pianiste et chef d’orchestre allemand se fait plutôt disert sur sa carrière et sur sa vie, marquée, dans son enfance, par la tragédie.

Né au début de la guerre, en 1940, à Breslau (aujourd’hui Wroclaw, en Pologne), Eschenbach perd ses parents à un très jeune âge. L’orphelin se retrouve dans un camp de réfugiés, dans le Mecklembourg (est de l’Allemagne). Ils sont soixante, atteints du typhus, affamés et frigorifiés. Le petit garçon sera le seul survivant, arraché in extremis à la mort à la fin de la guerre.

Placé dans une famille adoptive, il recouvre la santé, est initié à la musique (piano, orgue, violon), qui lui fait retrouver la joie de vivre avant qu’elle ne devienne sa raison de vivre. Il gagne le concours Clara Haskil de Vevey en 1965, ­enregistre pour le label Deutsche Grammophon, notamment avec le chef d’orchestre ­Herbert von Karajan.

A la fin des années 1960, Eschenbach décide de devenir chef d’orchestre et fait ses débuts en 1972. Cette autre carrière le rendra plus célèbre encore et le mènera à la tête de très grands orchestres, tel l’Orchestre de Paris, dont il a été le directeur musical de 2000 à 2010.

Aucune note discordante

Ce portrait a pour qualité de ne pas être larmoyant. Ce n’est certes pas le genre de Christoph Eschenbach que de s’apitoyer sur un sort terrifiant auquel il a miraculeusement échappé. Mais on sait gré au réalisateur de ne pas avoir trop appuyé sur ce ressort tentant, avec les développements convenus sur une quelconque résilience. Les séquences d’archives photographiques ou de jeu sur le piano de son enfance (un Bechstein de la fin du XIXe siècle qu’il possède toujours) n’en sont que plus fortes.

Il s’agit certes d’un portrait, et non d’une enquête. Mais, comme souvent dans ce genre de travail biographique, on verse presque dans l’hagiographie. Les rares intervenants sont ce qu’on appelle ordinairement des « protégés » : le pianiste Lang Lang et le violoniste Erik Schumann.

Lang Lang ne tarit pas d’éloges envers son mentor. On sait d’autant mieux qu’Eschenbach le lui rend bien qu’on l’avait rencontré aux Etats-Unis, en août 1999, au Ravinia Festival. Il sortait d’une audition où il avait découvert le jeune prodige chinois (de 17 ans alors), devenu depuis une vedette internationale. Mais trop de compliments tuent le compliment. Et l’on aurait aimé entendre d’autres témoins, qui auraient pu expliquer certains traits de la carrière d’Eschenbach : pourquoi après l’Orchestre de Paris (où la relation avec les musiciens a été exceptionnelle puis difficile) et l’Orchestre de Philadelphie (l’une des plus grandes phalanges symphoniques au monde, qui n’a pas renouvelé son contrat) s’est-il retrouvé patron du médiocre Orchestre national de Washington ? Pourquoi ne fait-il jamais, ou presque, d’opéra, lui qui adore le chant et est un exceptionnel accompagnateur ?

Fournir des éléments de réponse à ces questions – et à d’autres – n’aurait pas été inconvenant envers ce subtil musicien dont la stature est suffisamment établie et respectée pour ne pas être écornée par quelques points de vue éventuellement critiques et contradictoires.

Le Chef d’orchestre Christoph Eschenbach : du silence à la musique, d’Andreas Morell (All., 2016, 52 min).