Orquesta Akokán le 12 juillet 2019 au North Sea Jazz Festival / Yannick Le Maintec

Le North Sea Jazz Festival s’est rendu célèbre grâce à ses têtes d’affiche jazz, soul et pop. Au programme de cette quarante-quatrième édition qui a eu lieu les 12, 13 et 14 juillet 2019 à Rotterdam : Dee Dee Bridgwater, Bobby McFerrin, Anita Baker, Gladys Knight, Toto, Juanes et même Laureen Hill. N’en jetez plus ! Le North Sea Jazz, c’est le festival à la carte, y compris pour les amoureux de la musique latine.

Chucho Valdés, Chick Corea, Michel Camilo, trois maîtres du piano d’envergure internationale, incontestable et incontestée. Trois nouveaux albums, Jazz Bata 2, Essence et Antidote, à la fois rétrospectifs et collectifs. Et la capacité, malgré leur expérience et leur aura, à se fondre dans l’orchestre pour laisser aux musiciens la possibilité de s’exprimer.

Chucho Valdés et le souffle d’Irakere

Le maître du piano cubain poursuit une démarche entamée dans un premier opus en 1972 sous le format piano basse percussions. Sa suite, Jazz Batá 2, et surtout sa transposition sur scène est extrêmement enthousiasmante pour l’amateur de jazz afro-cubain. Avais-je été le seul ? Le précédent hommage à Irakere, la formation culte avec laquelle Chucho s’est fait connaître dans les années 70, m’avait laissé sur ma faim, en dépit de l’immense qualité de ses musiciens (ne parlons pas du répertoire !). S’étaient-ils sentis corsetés par le poids de l’héritage ? Autant par son souffle jazzistique que son inspiration afro-cubaine, Jazz Batá 2 renoue avec l’esprit d’Irakere. Dans cet écrin, Chucho est plus que jamais lui-même, inspiré et léger.

La touche latine de Chick Corea

La légende Chick Corea revient au latin jazz. A 78 ans, le pianiste sort Antidote, dans lequel il mélange influence espagnole et touche latine, faisant de ce nouvel album le successeur naturel de My Spanish Heart (1976) et Touchstone (1982, avec Paco de Lucía). On est impressionné par l’aisance du pianiste dans le registre du latin jazz, dans la composition comme dans l’interprétation. Le spectacle, avec un Spanish Heart Band impeccable, Luisito Quintero aux percussions, Jorge Pardo (flûte et saxophone) et Niño Josele (guitare), anciens compagnons de Paco, ainsi que le danseur de flamenco Nino de los Reyes, fait son petit effet. On ressort enchanté.

Michel Camilo, bye bye solo

Le cadet des trois maestros célèbre son vingt-cinquième long play dans un feu d’artifice en revisitant son répertoire dans un format big band, après un Live In London solo. Michel Camilo, un pianiste trop rare en France, on se demande bien pourquoi. Son œuvre et son jeu ont tout pour séduire le public des festivals, son engagement, la liberté qu’il laisse à ses musiciens (Ricky Rodriguez à la basse, Ernesto Simpson à la batterie, Eliel Lazo aux congas), sa direction d’orchestre avec un New Cool Collective Horn à l’unisson. Un Michel Camilo démonstratif, percutant, habité.

Dafnis Prieto, back to the sunset

C’était le tout premier concert du week-end : Dafnis Prieto et l’Aarhus Jazz Orchestra. Le percussionniste cubain installé aux Etats-Unis tourne actuellement en Europe avec l’orchestre danois accompagné de ses compatriotes, le percussionniste Eliel Lazo et le contrebassiste Yasser Pino, pour présenter Back to the Sunset. L’occasion inespérée de découvrir une œuvre extrêmement intéressante inspirée par les grands maîtres du jazz afro-cubain. Après vingt ans d’absence, Dafnis est venu présenter en janvier au festival Jazz Plaza de La Havane cet album qui vient de décrocher le Grammy Award du meilleur album de latin jazz.

Orquesta Akokán, les rois du mambo

Autre grand ensemble de cette édition et pas l’un des moindres, la sensation du moment : l’Orquesta Akokán. Il y a un peu plus d’an, unanime, la critique saluait la sortie de l’album éponyme aux qualités acoustiques remarquables. Bien malin alors aurait été celui qui aurait parié un peso cubain sur la suite de l’aventure. Le résultat est ébouriffant. Les soufflants sont tonitruants, quant au chanteur José “Pepito” Gómez il est impressionnant. On se retrouve transporté dans les casinos de La Havane de la fin des années 50, enfin telle qu’on peut l’imaginer. Le but de ces orchestres était de faire danser. Voilà la plus grande réussite d’Akokán, faire d’une musique pour les oreilles une musique pour les jambes.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web

Après cette série faste, le festivalier était repu. Tout comme dans la précédente édition au moment du concert de Ramón Valle, c’est dans la quiétude d’une petite salle que la touche finale sera donnée.

Edmar Castañeda et Grégoire Maret, l’art et la manière

Grégoire Maret et Edmar Castañeda, la plus petite formation de l’édition, certainement pas la moins intéressante. L’harmoniciste helvétique et le harpiste colombien sont venus présenter leur album Harp Vs Harp. L’année passée, Grégoire Maret s’était joint à Pedrito Martínez et au trio d’Harold López-Nussa pour enflammer le festival. Grégoire Maret, c’est la classe Premiere d’Air France, des bulles de champagne avec une bonne dose de mélancolie. Quant à Edmar Castañeda, il est tout bonnement époustouflant. A sa harpe, il épouse tous les rôles. Harpiste versatile, il se révèle également un excellent bassiste, un excellent pianiste et un excellent guitariste. Entre les deux artisans s’installe un dialogue surprenant, passionnant, hors du temps.

Chucho Valdés : Jazz Batá 2 (2018, Mack Avenue) - Chick Corea : Antidote (2019, Fantasy Concord) - Michel Camilo : Essence (2019, Resilience) - Orquesta Akokán : Orquesta Akokán (2018, Daptone) - Dafnis Prieto : Back to The Sunset (2018, CD Baby) - Grégoire Maret et Edmar Castañeda : Harp Vs Harp (2019, Act)

Orquesta Akokán Le 25 juillet à Paris, le 26 juillet à Lyon, le 27 juillet à Vic-Fezensac, le 2 août à La Roche-Posay, le 5 août à Sète - Chucho Valdés le 29 juillet à Marciac - Chick Corea le 30 juillet à Marciac.