Neymar Jr n’était pas présent pour la reprise de l’entraînement du Paris-Saint-Germain, le 8 juillet. / STRINGER / REUTERS

CHRONIQUE. Il y a presque deux ans, l’onde de choc avait recouvert les éventuels doutes sur l’opération : en recrutant Neymar Jr pour 222 millions d’euros, le Paris-Saint-Germain multipliait par deux le record du montant de transfert pour un footballeur et, surtout, s’offrait une superstar mondiale.

Qu’est-ce qui pouvait mal tourner ? Les controverses portèrent plutôt sur la compatibilité de cette opération avec les règles du fair-play financier de l’UEFA, et la colère des dirigeants du FC Barcelone attestait le brio de l’opération parisienne. Le PSG basculait « dans une autre dimension » et se préparait à toucher les dividendes sportifs et économiques d’un fol été – au cours duquel il allait aussi attirer Kylian Mbappé.

Deux ans plus tard, Neymar et le PSG ont pris deux saisons de retard, le gros coup a tourné au mauvais coût et la relation entre les deux parties a tourné à l’aigre. Toutes deux constatent l’échec et envisagent une séparation… que cet échec compromet profondément.

Enorme décote

Il est en effet douteux que le Brésilien trouve acquéreur à son prix d’achat. Le Centre international d’économie du sport estime sa valeur de marché actuelle à « seulement » 125 millions, très loin de ce que le PSG pourrait consentir pour ne perdre ni son investissement ni la face. Le feuilleton de son transfert de 2017 est oublié : la chronique estivale du mercato 2019 se nourrit de scénarios rocambolesques impliquant échanges de joueurs et montages alambiqués.

A 27 ans, Neymar Jr aurait dû atteindre son apogée et s’être rapproché de son objectif du Ballon d’or. Il n’aura quitté l’ombre de Messi que pour se placer dans celle de Mbappé, brouiller son image et aggraver les doutes sur sa mentalité. On n’en est plus à fustiger la culture étriquée d’un championnat de France incapable d’accueillir des footballeurs d’exception, mais à faire le procès d’un joueur dont la cote s’est effondrée dans son propre pays.

Son anniversaire célébré en grande pompe et en béquilles, son retour festif au Brésil, ses insultes envers l’arbitre de PSG-Manchester United, sa gifle à un spectateur provocateur, son absence lors du dernier entraînement puis sa semaine de retard pour la reprise n’ont pas contribué à corriger son image de star capricieuse et égoïste. Les enquêtes en cours pour viol et fraude fiscale n’embellissent pas le tableau.

Erreur stratégique

Dans ce procès, on oublie trop vite les graves blessures qui lui ont fait manquer deux secondes parties de saison décisives, et lui ont laissé peu de chances de présenter un autre bilan sportif. Mais les critiques actuelles portent beaucoup moins sur son indéniable talent que sur sa capacité à l’exploiter.

Le choix d’un contrat à Paris était apparu aux yeux de ses détracteurs comme celui d’un mercenaire séduit par le pactole offert (près de 30 millions d’euros annuels, le double de ses émoluments au Barça). Il s’agit avant tout d’une erreur stratégique, tant lui et son entourage sont désormais fondés à penser que si le PSG a les moyens financiers d’un grand club, il n’en a ni les structures ni l’intelligence managériale.

Ses échecs répétés en Ligue des champions et sa dernière saison saumâtre démontrent les insuffisances de sa gouvernance. Il a en particulier très mal géré… les risques de sa « neymarisation », pourtant connus d’emblée avec un joueur auquel son statut confère autant de privilèges. Le club paye les libertés laissées au Brésilien, qui s’autorise à piétiner l’amour-propre des supporteurs en évoquant la remontada comme le meilleur souvenir de sa carrière.

En octobre 2017, entre ses deux mandats de directeur sportif dans la capitale, Leonardo avait bien identifié ce qui menaçait le joueur et son nouveau club : « Neymar ne peut jamais se sentir plus grand que l’institution. Le PSG doit être plus important que lui. Sinon, on ne verra pas le meilleur Neymar non plus. » Neymar n’est pas un trop grand joueur pour le PSG, il est un trop gros problème pour lui.

« Je ne veux plus avoir de comportements de stars », a déclaré le président Nasser Al-Khelaïfi, qui a justement confié à Leonardo la mission de faire respecter « l’institution » – cette notion nébuleuse que les déboires du nouveau riche parisien accréditent. Il ne peut toutefois dilapider ce qui reste de Neymar en tant qu’actif financier. Le numéro 10, qui semble viser le point de non-retour, est peut-être plus proche du point de non-départ.

Reste à savoir s’il lui est encore possible, à défaut de partir, de repartir de zéro dans un cadre défini par une plus grande exigence. C’est dans la rigueur que Neymar pourrait retrouver de l’estime et de la valeur – c’est-à-dire une valeur plus conforme à ce qu’il aura coûté.