Le président tchadien en visite en Arabie saoudite avec le roi Salman Ben Abdulaziz au palais royal de Riyad, le 1er juin 2019. / BANDAR AL-JALOUD / AFP

Chronique. Après la France, les émirats et l’Arabie Saoudite, place au Qatar… Si le président tchadien Idriss Déby peut remercier la France qui lui apporte un soutien indéfectible depuis François Mitterrand, sa survie politique dépend pourtant de plus en plus de ses relations avec les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite et désormais aussi le Qatar.

Depuis quelques années, Idriss Déby, président du Tchad depuis 1990, soigne sa grande proximité avec les princes héritiers saoudien Mohamed Ben Salman (MBS) et émirati Mohamed Ben Zahed (MBZ) pour assurer sa sécurité. Ils sont en effet les principaux soutiens des factions clés qui évoluent au Soudan et en Libye, pays d’où partent historiquement les rébellions qui ont tenté de renverser le chef de l’Etat.

Le pouvoir actuel du Conseil militaire de transition (TMC) à la tête du Soudan depuis avril est ainsi largement soutenu financièrement et politiquement par les Emirats arabes unis. C’est la raison pour laquelle ces derniers sont un allié de poids pour éviter la propagation des nouvelles rébellions venues de l’Est du continent. Une menace qui a ressurgi avec la chute d’Omar Al-Bachir en avril, à Khartoum.

Bête noire

Pour maintenir un lien direct avec MBZ, Idriss Déby avait nommé son propre fils, Zakaria Idriss Déby, premier ambassadeur aux Emirats arabes unis en 2017. Et comme la formule a fait ses preuves, il vient de faire la même chose à Khartoum avec, comme messager de confiance, Abdelkerim Koiboro, son neveu par alliance. Outre l’avantage d’être de la famille proche, le nouvel ambassadeur tchadien au Soudan avait été consul général en Arabie saoudite au début des années 2010, ce qui lui a permis de manier parfaitement l’arabe et de bien connaître les élites saoudiennes. Point fondamental puisque Riyad finance aussi le TMC au Soudan.

Autre sujet de crainte d’Idriss Déby : la Libye. Là, ce sont encore Abu Dhabi et Ryad qui détiennent les clés. En effet, l’allié du président tchadien en Libye, le général Khalifa Haftar, maître de la Cyrénaïque à l’est, soutenu à bout de bras par l’Emirati MBZ et le Saoudien MBS, est en grande difficulté dans son siège de Tripoli, lancé en avril contre les forces du premier ministre soutenu par l’ONU, Fayez Sarraj. Or le Tchad misait sur Haftar, après la conquête de Tripoli, pour « nettoyer » le Sud libyen. Cette zone frontalière avec son pays abrite notamment les membres de l’Union des forces de la résistance (UFR), dirigée par son pire ennemi, son neveu et ex-directeur de cabinet, Timan Erdimi.

Avant les accords de Dakar signés en 2008 entre Omar Al-Bachir et Idriss Déby, Erdimi était soutenu par le Soudan. Désormais, c’est depuis le Qatar – lieu d’exil décidé par Déby et Bachir – qu’Erdimi pilote l’Union des forces de la résistance, grâce à laquelle il tente de déstabiliser le pouvoir de son oncle, devenu sa bête noire. Encore en février, une colonne de pick-up de l’UFR avait foncé sur N’Djamena depuis la Libye avant d’être arrêtée net par un bombardement de l’armée française.

Vieil ami

En fait, les relations entre le Tchad et le Qatar se divisent en deux périodes. Si, dans un premier temps, le président tchadien a donné des gages aux Emirats arabes unis et à l’Arabie saoudite en coupant tout lien diplomatique avec le Qatar dès juin 2017 dans le cadre de l’embargo saoudo-émirati contre leur voisin gazier, il a depuis revu sa copie. D’abord, pour des raisons économiques, financières, le Tchad a dû renouer avec le Qatar. D’autant que, par-delà les questions économiques, il y avait le dossier Erdimi. Car depuis le Qatar, Erdimi continue à œuvrer contre Déby via le territoire libyen…

Alors, pour être certain d’être entendu, et parce que deux précautions valent mieux qu’une, Idriss Déby a aussi requis l’aide de son vieil ami le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, qui reste un bon messager.

Ainsi, lors de l’un de ses voyages à Doha, le 11 février, M. Le Drian a-t-il explicitement demandé à son homologue qatari, Mohammed Ben Abdulrahman Al-Thani, de resserrer la surveillance de son « invité » tchadien afin que celui-ci ne soit plus en mesure de piloter les activités militaires de l’UFR depuis l’hôtel Movënpick de Doha. Message reçu 5 sur 5 par ses hôtes qataris.