« Activiste sous emprise », « gourou apocalyptique » ou encore « prophétesse en culotte courte », le visage médiatique du dérèglement de notre climat fait jaser et les attaques fusent.

Si Greta Thunberg inscrit dans la biographie de son profil Twitter « Militante pour le climat, âgée de 16 ans, avec Asperger », Laurent Alexandre, chirurgien urologue, affiche clairement dans la sienne qu’il est « anti-Greta Thunberg ». « C’est une erreur de médiatiser ses troubles quand ils posent un vrai problème d’intégration. Mais surtout dans son cas, c’est machiavélique car on ne peut pas critiquer une enfant malade », lâche Laurent Alexandre, également chroniqueur à L’Express.

Taxé d’être « jaloux » de l’égérie climatique, le fondateur du site Doctissimo répond à un internaute sur Twitter : « Je ne suis pas jaloux de Greta Thunberg : je n’aimerais pas avoir des TOC [troubles obsessionnels compulsifs] graves, une dépression infantile, un mutisme sélectif, un Asperger avec monoidéation et des troubles alimentaires graves me conduisant à être minuscule ! Je respecte l’enfant malade mais regrette sa manipulation. » Les prises de position du médecin ont provoqué un tollé et une vive émotion sur la Toile.

Ils le crient sur tous les toits

L’effet a été immédiat. L’oiseau bleu de Twitter se revêt d’un nouveau hashtag : #Jelecriesurtouslestoits. Le but du créateur de ce mot-clé est de permettre de verbaliser ses troubles psychiques, de dénoncer le « validisme » (discrimination contre les personnes vivant un handicap), et de demander plus de prise en charge. Lui-même autiste, il explique :

« J’ai créé #Jelecriesurtouslesyoits en réponse à un Tweet qui affirmait que toute personne ayant des handicaps ou des maladies psychiques devrait le cacher au maximum. C’est quelque chose qu’on entend très souvent et qui est un non-sens, poursuit-il. Il était important pour moi de rappeler que le handicap et la maladie ne sont pas des sujets tabous ou honteux mais des parties à part entière de nos vies. La honte et la solitude (…) sont des facteurs qui ralentissent le diagnostic et la prise en charge. »

En soutien à Greta Thunberg et surtout en réaction à ses détracteurs, les témoignages pleuvent et entendent désamorcer certaines idées reçues : « Je suis autiste, j’ai des troubles de l’attention et du comportement alimentaire. (…) J’existe, comme tant d’autres, et je n’ai pas honte d’être moi », peut-on lire sur le réseau social ou encore : « Je suis autiste, anxieux et TDA [trouble déficit de l’attention] et #Jelecriesurtouslestoits, (…) ce n’est pas quelque chose de honteux ni de secret, c’est qui je suis. »

Dépasser le cadre de la revendication identitaire

Francine Stourdzé, coprésidente de l’association Action pour l’autisme Asperger s’en réjouit :

« On soutient totalement l’empowerment, c’est-à-dire, la possibilité pour les personnes autistes de pouvoir s’exprimer sans se cacher. Beaucoup de personnes, comme ce chirurgien, nient le droit des Asperger à être comme ils sont, à savoir qui ils sont et à utiliser leurs caractéristiques pour avancer dans la vie, comme Greta Thunberg le fait. »

Selon la Fédération québécoise de l’autisme, seulement 35 % des autistes ont de véritables déficiences intellectuelles. Tous les autres, même avec de légères déficiences, s’intègrent facilement à la vie professionnelle et sociale.

Laelia Benoit, pédopsychiatre à la Maison de Solenn, la maison des adolescents de l’hôpital Cochin à Paris, insiste sur le fait qu’il ne faut pas déplacer le débat. « Je comprends l’agacement que ce Tweet a suscité. Toutefois, attention à ce que les revendications identitaires restent dans un esprit d’ouverture, insiste-t-elle. Trop jeune, trop petite, trop autiste ? En vérité, Greta Thunberg accélère la prise de conscience du réchauffement climatique. Le reste est anecdotique. »