Des Boeing 737 MAX immobilisés au sol à Seattle (Etat de Washington, nord-ouest des Etats-Unis), le 27 juin. / STEPHEN BRASHEAR / AFP

C’est le scénario du pire qui se profile pour Boeing. A l’occasion de la présentation des résultats trimestriels du groupe, mercredi 24 juillet, Dennis Muilenburg, son PDG, a indiqué que la production du 737 MAX, immobilisé au sol depuis le 13 mars, pourrait être interrompue. « Si notre estimation du retour en service [du 737 MAX] devait changer, nous pourrions examiner des réductions de cadences de production supplémentaires et d’autres options, dont un arrêt temporaire de la production », a-t-il précisé.

Mi-juin, à l’occasion du Salon du Bourget, l’avionneur américain croyait encore à un retour rapide en vol de son moyen-courrier. Mais ses espoirs ont été douchés par les problèmes techniques mis au jour par l’Agence fédérale américaine de l’aviation (FAA) puis par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA).

Craintes des fournisseurs

Outre les défaillances du système de stabilisation MCAS, mis en cause dans les deux catastrophes aériennes de Lion Air, en octobre 2018, et d’Ethiopian Airlines, en mars 2019, qui ont coûté la vie à 346 passagers et membres d’équipages, les deux instances de régulation ont successivement pointé des risques potentiels sur un microprocesseur, puis sur le pilote automatique du 737 MAX.

Désormais, Boeing ne prévoit pas une reprise des vols du 737 MAX avant le quatrième trimestre. Toutefois, l’avionneur n’a toujours pas présenté à la FAA et à l’EASA les correctifs apportés à son appareil pour obtenir une nouvelle certification. Il assure qu’il les soumettra « une fois que toutes les exigences en matière de certification de la FAA auront été remplies ». Pour certains experts, l’avion pourrait ne pas redécoller, au mieux, avant le printemps 2020. Un calendrier qui pourrait encore être bousculé par les investigations menées par la FAA et l’EASA. De fait, au sein de la chaîne de fournisseurs, on redoute désormais que de nouvelles anomalies soient pointées du doigt par les deux instances de régulation de l’aviation.

En pratique, cette immobilisation commence à peser lourdement sur les comptes du constructeur. Mercredi, il a ainsi annoncé une perte de 2,94 milliards de dollars (environ 2,6 milliards d’euros) au deuxième trimestre, la plus importante depuis 2009. Un trou creusé par la prise en compte d’une charge de 5,6 milliards de dollars destinée à compenser les pertes des compagnies aériennes privées de leurs MAX depuis plus de quatre mois et qui ont dû annuler des milliers de vols.

Un « accident industriel »

Cette provision n’est que temporaire. Elle devrait augmenter au fil des mois, le temps de l’immobilisation de l’avion. En définitive, Boeing pourrait perdre plus de 10 milliards de dollars. Surtout, cette provision ne prend pas en compte le montant des réparations que le groupe devra verser aux familles des victimes des deux crashs ni les amendes que les autorités américaines pourraient lui infliger.

L’avenir sombre désormais envisagé par Boeing, c’est-à-dire l’arrêt, même temporaire, de la production, aura des répercussions sur toute la chaîne de fournisseurs et d’équipementiers du moyen-courrier. A l’exemple du motoriste Safran qui, en partenariat avec l’américain General Electric, fournit en exclusivité les moteurs du MAX. En avril, l’avionneur avait déjà réduit sa production de 52 à 42 appareils par mois sans que le duo Safran-GE ralentisse ses cadences. Mais s’il stoppe ses chaînes, « on ne va pas continuer à fabriquer un moteur pour un avion dont la production a été arrêtée », fait-on savoir chez Safran.

« Arrêter 5 000 avions en commande, ce serait du jamais-vu ! »

Pour l’heure, les fournisseurs ne veulent pas croire à un arrêt de la production de l’avion. Ce serait un « accident industriel », prédit Laurent Magnin, PDG de la compagnie XL Airways. Surtout, personne ne veut encore envisager que Boeing renonce à produire le MAX. « Arrêter 5 000 avions en commande, ce serait du jamais-vu ! », s’exclame M. Magnin. Le manque à gagner potentiel pour Boeing serait colossal : environ 400 milliards d’euros. Le constructeur devrait aussi indemniser les compagnies pour les 500 MAX déjà livrés ou encore en attente sur les parkings qui bordent ses usines.

Enfin, si le moyen-courrier venait à être autorisé à reprendre les airs, Boeing devra convaincre les pilotes de la fiabilité de ses solutions techniques. Ce n’est pas gagné. Selon un des dirigeants du Syndicat national des pilotes de lignes d’Air France, le MAX souffre « d’un vrai problème » originel. Toujours d’après lui, contrairement à son concurrent l’Airbus A320Neo, il ne peut voler sans le concours de son informatique embarquée.