La chef économiste du FMI, Gita Gopinath, le 9 avril 2019, à Washington. / ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Le Fonds monétaire international (FMI) a une nouvelle fois abaissé ses prévisions de croissance mondiale, invoquant, mardi 23 juillet, une décélération des échanges commerciaux et une aggravation des tensions géopolitiques. La hausse du PIB mondial devrait atteindre 3,2 % en 2019 et 3,5 % en 2020, soit 0,1 point de moins sur chacune des deux années par rapport aux prévisions d’avril. C’est dans les pays émergents que le recul est le plus marqué, particulièrement au Brésil, au Mexique et en Russie. Dans ces deux pays d’Amérique latine, les incertitudes concernant d’importantes réformes structurelles, notamment celle des retraites au Brésil, freinent les investissements. Le taux de croissance en Amérique latine ne devrait pas dépasser les 0,6 % en 2019, plombé par la crise au Venezuela.

Dans les pays émergents asiatiques, la baisse des prévisions de croissance s’explique par les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis. En mai, la bataille douanière entre les deux pays s’est intensifiée, lorsque les Etats-Unis ont relevé leurs taxes de 10 à 25 % sur 200 milliards de dollars (180 milliards d’euros) de biens importés annuellement de Chine, tout en imposant des restrictions sur les entreprises américaines qui travaillent avec le géant chinois des télécommunications Huawei. Pékin a augmenté en retour les droits de douane sur 60 millions de dollars de produits importés des Etats-Unis.

Tensions douanières

La hausse du PIB a en revanche été supérieure aux attentes au premier trimestre 2019 dans la plupart des pays développés comme aux Etats-Unis, au Japon, au Royaume-Uni et dans la zone euro. Des régions relativement épargnées par la hausse des droits de douane infligée à la Chine et par la réorganisation des chaînes d’approvisionnement dans le secteur technologique. La prévision de croissance a été revue en hausse de 0,3 point de PIB aux Etats-Unis pour atteindre les 2,6 % en 2019, grâce à une accumulation des stocks de biens invendus, et à la perspective d’une baisse des taux d’intérêt directeurs.

A long terme, c’est l’ensemble de l’économie mondiale qui devrait pâtir des tensions douanières. Le FMI constate que la croissance des échanges commerciaux n’était que de 0,5 % au premier trimestre et ne devrait pas dépasser les 2,5 % en 2019, contre 5,5 % en 2017. « Il est urgent notamment de réduire les tensions commerciales et technologiques, ainsi que de lever promptement l’incertitude entourant les accords commerciaux (notamment entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, et la zone de libre-échange qui englobe le Canada, les Etats-Unis et le Mexique) », insiste le FMI. Ce qui fait dire à sa chef économiste, Gita Gopinath, que la situation de repli est « auto-infligée », c’est-à-dire induite par les décisions des dirigeants de différents pays. Un climat d’incertitude qui pousse les entreprises à différer leurs investissements.

Le secteur industriel particulièrement touché

La mauvaise santé du commerce mondial touche davantage le secteur industriel. « Le point positif reste la tenue du secteur des services », note le FMI, « où l’état d’esprit est relativement résilient, contribuant à la croissance de l’emploi (ce qui, à son tour, consolide la confiance des consommateurs) ». Les pays dont la croissance est tirée par la consommation intérieure et le secteur des services sortent donc relativement indemnes du ralentissement du commerce mondial. L’Inde devrait ainsi afficher le taux de croissance le plus élevé des grandes économies de la planète en 2019 et 2020.

La décélération de la demande extérieure a au moins le mérite de soulager l’inflation, malgré une hausse des prix du pétrole déclenchée par la crise vénézuélienne et l’embargo américain sur l’Iran. Cette hausse modérée des prix devrait inciter les banques centrales à retarder la hausse des taux d’intérêt directeurs, voire même à les abaisser dans certaines régions. « Dans l’ensemble des pays émergents et pays en développement, le fléchissement récent de l’inflation [leur] donne la possibilité de mener une politique accommodante, surtout là où la production est inférieure à son potentiel », estime le FMI.

Dans les pays où la marge de manœuvre des banques centrales est plus limitée, comme dans la zone euro, la relance passe par la politique budgétaire. « Mais on a vu, dans la zone euro, que la politique budgétaire a contribué à relancer la consommation intérieure sans toutefois compenser la baisse de la demande extérieure », relativise Ben May, directeur de la recherche en macroéconomie internationale au cabinet Oxford Economics. Le FMI mise sur une accélération du PIB entre 2019 et 2020 mais précise que « près de 70 % de cette hausse repose sur une amélioration de la croissance dans des pays émergents et des pays en développement en difficulté ».