Marina Foïs est excellente en mère vampirisante de Manon (Alba Gaïa Bellugi) / IMAGE ET COMPAGNIE

ARTE - JEUDI 25 JUILLET 20h55 - MINISÉRIE

En 2014, 3 x Manon nous avait livré le récit d’une jeune fille de 15 ans (Manon, interprétée par l’admirable Alba Gaïa Bellugi), placée pendant six mois dans un centre éducatif fermé après avoir poignardé sa mère. Réalisée par Jean-Xavier de Lestrade, qui avait coécrit le scénario avec Antoine Lacomblez, cette salve de trois épisodes se terminait sur la sortie de l’adolescente qui avait appris, au terme d’une longue lutte, à calmer sa haine par les mots. Ce parcours difficile que Jean-Xavier de Lestrade avait filmé avec le même souci scrupuleux du réel qui guide son travail de documentariste (Soupçons : la dernière chance, 2012 ; Un coupable idéal, 2001 ; La Justice des hommes, 2000) nous avait secoués, suffisamment pour que nous n’ayons rien oublié.

Trois ans après, en 2017 donc, voilà qu’était revenue Manon, débutante dans cette vie hors les murs, loin d’une mère nocive, avec pour bagages un BTS de mécanique, une détermination butée et des envies d’absolu. A 20 ans, comme toutes les personnes de son âge, la jeune femme doit conquérir une place dans la société et le monde du travail, sur le terrain affectif et familial ; déterminer ses choix, faire usage de la parole, s’ouvrir aux sentiments. Le regard noir, les lèvres boudeuses, Manon se colle au principe de réalité. Parfois la colère se manifeste encore, par éclairs. Mais plus comme avant.

Seule dans le vaste monde

Dans cette deuxième saison, diffusée in extenso sur Arte juste après la première, ce jeudi 25 juillet, on retrouve certes Monique (Marina Foïs, prodigieuse dans son rôle de mère vampirisante dont chaque phrase bienveillante a l’effet d’un venin) et Lola, une amie que Manon a connue au centre (Claire Bouanich). Mais on découvre aussi des personnages nouveaux, les rencontres de Manon ; notamment Jennifer Bressan (Déborah François), qui l’éveille au désir, et Bruno (Théo Cholbi), l’amoureux qui rêve de fonder avec elle un foyer. Des protagonistes qui se sont glissés dans l’univers du film, auprès de ceux qui y étaient déjà, sans rien déséquilibrer. C’est que Jean-Xavier de Lestrade sait choisir ses comédiens dans un esprit de troupe, les diriger tout en leur laissant une part de liberté – « des blancs, comme il dit, qu’ils puissent investir de leur propre vécu ». Des comédiens qui savent jouer avec l’autre, l’écouter, mais aussi oublier le jeu. Et pour cela, il faut « un très grand talent et beaucoup d’humilité de la part des acteurs », précise le réalisateur. Ces profils, il a su, dans les deux trilogies et avec la complicité de la ­productrice Nicole Collet (Image & Compagnie), les dénicher avec une belle habileté.

Extrait "3 X Manon" de Jean-Xavier de Lestrade
Durée : 03:16

L’humain placé au centre, la ­caméra à bonne distance, le rythme attentif aux respirations avaient, dans 3 x Manon, contribué à ouvrir aussi cet espace de liberté au téléspectateur. Parce qu’il s’agissait pour Jean-Xavier de Lestrade de soustraire son film à l’autorité d’un point de vue et laisser chacun se faire sa propre idée. Dans Manon 20 ans, il en va autrement. Là où précédemment il était question de filmer un groupe au sein d’un centre fermé, c’est Manon seule, dans un monde plus vaste, qu’il fallait suivre et saisir dans la deuxième saison. Jean-Xavier de Lestrade a donc resserré le cadre sur son héroïne, l’y enfermant pour signifier son isolement au milieu des autres. Si Manon est libre, elle a encore à ouvrir un horizon. Une vie en plans larges, peut-être dans une troisième saison.

3 × Manon, créée par Jean-Xavier de Lestrade. Avec Alba Gaïa Bellugi, Marina Foïs, Déborah François (Fr., 2014, 3 × 55 min). Suivi de la diffusion, à 23.50, de Manon 20 ans (Fr., 2017, 3 × 52 min).