Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne et Donald Trump, président des Etats-Unis, le 25 juillet 2018, à Washington. / SAUL LOEB / AFP

La démarche s’apparente à celle d’un vieux couple, soucieux de renouveler ses vœux quand le mariage bat de l’aile. Ce jeudi 25 juillet, un an jour pour jour après la trêve négociée à Washington, l’Union européenne a choisi d’encourager son partenaire à continuer la relation et de lui rappeler tendrement ses engagements. Une initiative d’une cinquantaine de pages qui porte le titre engageant de « Plus grand ensemble : réduire les milliards de dollars en tarifs industriels et stimuler le commerce transatlantique ».

Pourtant, en coulisse, le ton se veut réaliste : si des progrès ont été engrangés, ils ne l’ont pas été sur tous les fronts. Pire, ils pourraient être mis à mal si les Etats-Unis venaient à reprendre leur position agressive du printemps 2018, lorsqu’ils avaient choisi de taxer les exportations européennes d’acier et d’aluminium.

Toujours rien sur les biens industriels

La Commission européenne se sait dans une position délicate : les négociations commerciales sur l’élimination des droits de douane pesant sur les produits industriels, l’un des principaux volets de l’accord de Washington, n’ont toujours pas démarré en raison de désaccords sur la question de l’agriculture. La Commission prétend en effet que ce domaine a été explicitement exclu du champ des négociations dès 2018. Mais les partenaires américains, sous la pression du Congrès, insistent pour en discuter (y compris, de pesticides et d’OGM). En conséquence, même si chaque partie a adopté ses directives de négociation depuis la mi-avril, aucun « round » n’a encore eu lieu. Or, la réalisation des objectifs fixés dans la déclaration de Washington représente une sorte d’assurance pour les Européens : tant qu’on négocie, la situation ne se dégrade pas.

Le spectre de droits de douanes supplémentaires

Toutefois, Donald Trump n’a toujours pas retiré sa menace d’imposer des droits de douanes supplémentaires sur les importations de voitures européennes et de pièces détachées. Tout juste a-t-il décidé, au printemps dernier, de reporter sa décision à la mi-novembre. « L’idée même que les voitures européennes puissent constituer une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis est absurde », avait commenté, en début de semaine, la commissaire au commerce Cécilia Malmström, indiquant qu’elle se tenait prête à réagir et à taxer, en représailles, pour 35 milliards d’euros de produits américains.

Ce jeudi, lors de la présentation du rapport de progrès, une source de la Commission européenne a même été plus loin en indiquant que si les Etats-Unis imposaient de nouvelles mesures sur l’automobile, cela pourrait mettre à mal tous les progrès engrangés jusqu’ici sur les autres volets de discussion. « Ce serait une décision peu judicieuse au regard de l’agenda positif que nous avons mis en place », a-t-elle poursuivi. Elle a également reconnu que le litige porté devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), il y a quinze ans, sur les subventions accordées à Airbus et Boeing n’arrangeaient pas les choses. Ce litige, qui suit pour l’instant la procédure légale, devrait connaître un premier dénouement cet été avec la décision des arbitres de l’OMC sur le montant du préjudice subi du côté américain, puis début 2020, côté européen. Une décision qui devrait ouvrir la voie à des nouvelles taxes, si aucune solution négociée n’est trouvée d’ici là.

Le mantra : rester positif et attendre

Pour cet anniversaire en demi-teinte, la Commission européenne a donc choisi, aussi, de souligner les progrès déjà amassés, comme sur les mesures censées faciliter les tests de conformité des produits exportés où un premier texte devrait voir le jour en septembre. Et d’insister sur le besoin de s’unir face à la Chine pour introduire « davantage de discipline ». Mais elle a démenti vouloir retarder les discussions pour profiter de l’effet des présidentielles américaines de novembre 2020, comme suggéré par Bloomberg. Plus tôt dans la semaine, l’agence de presse financière avait laissé entendre que c’était une option envisagée dans l’espoir que Donald Trump ne prendrait pas le risque de perdre les voix des électeurs contrariés par les mesures de représailles européennes. Si la Commission européenne dément cette stratégie, elle ne dit pas comment elle compte débloquer les négociations commerciales sur les produits industriels. Et ce, sans régler la question de l’enfant illégitime, l’agriculture.