Le président russe Vladimir Poutine et le président français Emmanuel Macron font signe à leur arrivée au château de Versailles, près de Paris, le 29 mai 2017. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Le lieu fait sens autant que la date. Emmanuel Macron recevra le président russe, Vladimir Poutine, au fort de Brégançon, le 19 août, quatre jours avant l’ouverture à Biarritz du sommet du G7, réunissant les chefs d’État ou de gouvernement des principales puissances économiques démocratiques. « Le fort de Brégançon permet de pouvoir s’isoler pour travailler, d’avoir les équipements pour recevoir tous les appels internationaux, de pouvoir recevoir des dirigeants étrangers, ce que je ferai avec Vladimir Poutine dans quelques semaines », a déclaré le président de la République, samedi 27 juillet, en marge d’un déplacement à Bormes-les-Mimosas (Var).

Recevoir son homologue russe à Brégançon, c’est insister sur le caractère personnel qu’il veut donner à la relation avec l’homme fort du Kremlin. Le voir juste avant la réunion du G7 (Etats-Unis, France, Royaume-uni, Allemagne, Japon, Italie, Canada), instance dont la Russie a été exclue en 2014 après l’annexion de la Crimée, c’est souligner la volonté de Paris, qui préside cette instance, de remettre la Russie dans le jeu, sans pour autant encore la réintégrer.

Evoquant déjà lors du G20 d’Osaka fin juin, après un long entretien avec Vladimir Poutine, son désir d’une telle rencontre bilatérale, le président français assurait vouloir « explorer toutes les formes de coopération sur les grands sujets de déstabilisation ou de conflit, sans naïveté, mais sans que la porte ne soit fermée ».

Alors que la diplomatie française se pose en médiatrice dans la crise sur le nucléaire iranien, pour tenter de sauver l’accord de juillet 2015 après le retrait américain, et faire baisser les tensions dans le golfe, la relation avec Moscou est essentielle. Paris voudrait lancer un signal fort en marge du sommet du G7.

Mais les ambitions du président dans la relation avec la Russie vont au-delà. « Nous voulons sortir de l’effet d’alignement et marquer un décalage. C’est la vocation de la diplomatie française, d’où les initiatives que nous prenons comme dans la crise iranienne », explique une source élyséenne, n’hésitant pas à parler « d’un certain retour gaullien », même si le contexte est très différent.

« Réenclencher une dynamique »

Les signes d’un réchauffement des relations franco-russes ont été nombreux ces deux derniers mois. Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, s’était rendu au Havre le 24 juin, où il a rencontré Edouard Philippe. Il s’agissait de la première visite d’un haut responsable russe depuis la venue à Versailles de Vladimir Poutine en mai 2017.

La France a, en outre, soutenu la réintégration de la Russie au Conseil de l’Europe, saluée par la presse du régime comme une « victoire » de Moscou. Dans une interview à la RTS (Radio-Télévision suisse), le 11 juin, Emmanuel Macron avait déclaré vouloir « réenclencher une dynamique » avec la Russie et reprendre « un dialogue stratégique ». Il reconnaissait toutefois que la Russie avait encore « des efforts à faire ». En premier lieu sur l’Ukraine, et la mise en œuvre des accords de Minsk, parrainés par Paris et Berlin en février 2015, instaurant un fragile cessez-le-feu entre Kiev et les rebelles. « Sans cela, pas de reformation du G8 », insiste l’Elysée.

Emmanuel Macron n’en a pas moins de bonnes cartes en main. Ses relations avec Vladimir Poutine ont été pour le moins fluctuantes. Lors de leur première rencontre à Versailles, le président français, nouvellement élu, critiqua ouvertement les atteintes aux droits de l’homme et les tentatives de déstabilisation menées par les médias proches du Kremlin en France.

En juin, à Osaka, Emmanuel Macron affirma haut et fort son soutien aux « valeurs libérales » remises en cause par son homologue russe. Le président français incarne toutefois aujourd’hui le visage de l’Europe face à une Angela Merkel affaiblie et en fin de mandat. « A Paris, comme à Moscou, il y a une prise de conscience que l’on ne peut rester comme ça, et qu’il faut faire quelque chose », note un diplomate tout en rappelant « les risques d’instrumentalisation par le Kremlin » d’un rapprochement avec Paris. Ce d’autant plus que Moscou ne connaît que le rapport de force.