Concert de Johnny Clegg et Savuka au Zénith de Paris, le 10 mai 1988. / BERTRAND GUAY / AFP

ARTE - À LA DEMANDE - DOCUMENTAIRE

Johnny Clegg entonne les premières mesures d’Asimbonanga. Soudain, Nelson Mandela surgit sur la scène, derrière lui. Ce soir-là, en 1999 à Francfort, « la chanson rencontre l’homme pour qui elle a été écrite ». Cette émouvante scène ouvre Johnny Clegg, le Zoulou blanc, documentaire tourné alors que le chanteur sud-africain, mort le 16 juillet 2019, se savait déjà condamné. Ce film d’une cinquantaine de minutes, qui alterne images d’archives et interviews avec le chanteur, ses musiciens ou encore son manageur, vient à cette occasion rappeler le rôle essentiel que ce guitariste, chanteur et danseur joua dans l’effritement du régime de l’apartheid, dont les élections libres de 1994 signifièrent la fin.

Né en 1953 dans le nord de l’Angleterre, Johnny Clegg rejoint à l’âge de quelques mois la ferme de sa famille maternelle, au Zimbabwe. Il quittera très jeune ce paradis rural pour Johannesburg, en Afrique du Sud. Dans cette métropole « schizophrène » où 11 millions de Noirs pauvres vivent séparés des 3 millions de riches Blancs, le jeune homme découvre la musique de rue zoulou. Cette « épiphanie » constitue le point de départ d’un changement de vie radical. Immiscé dans un monde interdit aux Blancs, l’adolescent apprend à parler, jouer et danser comme ses compatriotes noirs.

La musique pour combler le fossé

Ce qui serait peut-être perçu aujourd’hui comme une forme d’appropriation culturelle est à l’époque un acte extrêmement risqué, tant le fossé entre les deux communautés est profond. Rejetant le monde blanc, se définissant comme « Africain, et non comme un simple habitant de l’Afrique », Johnny Clegg débute sa carrière à la fin des années 1970 avec son ami musicien noir, Sipho Mchunu. Jusqu’à sa dissolution en 1985, leur groupe, Juluka, va connaître un succès d’autant plus inattendu que son existence est en principe illégale. Malgré la censure et les menaces policières, Juluka se produit en 1985 devant 110 000 spectateurs à l’Ellis Park de Johannesburg, bastion du rugby afrikaner. Face à l’engouement du public, le régime sud-africain, fragilisé par un sévère boycottage international depuis les émeutes de Soweto en 1976, ne peut rien faire.

En plus de rappeler à qui l’aurait oubliée l’horreur que fut le régime d’apartheid, ce documentaire a le mérite de faire revivre l’héritage musical, complexe et lumineux, de cet artiste engagé, un peu oublié ces dernières années.

Johnny Clegg, le Zoulou blanc, documentaire d’Amine Mestari (France, 2019, 52min). Disponible à la demande sur Arte.tv.