La ville de Kemerovo enfumée, le 25 juillet 2019. / Danil Aikin/TASS/Getty

Vladimir Poutine a ordonné mercredi 31 août à l’armée de prendre part à la lutte contre les gigantesques feux de forêt qui ravagent depuis des semaines la Sibérie, détruisant des millions d’hectares et recouvrant des villes entières de fumée.

Selon un communiqué diffusé sur le site internet du Kremlin, le président russe a pris cette décision après avoir reçu un rapport du ministre des situations d’urgence, Evguéni Zinitchev. Ces derniers jours, les organisations de défense de l’environnement s’étaient alarmées du manque de réaction des autorités face à l’importance de ces incendies.

Décision « assez tardive »

Immédiatement après le communiqué du Kremlin, le ministère de la défense a annoncé l’envoi de dix avions et de dix hélicoptères bombardiers d’eau dans le territoire de Krasnoïarsk, l’une des régions les plus touchées, où près de 800 pompiers sont à pied d’œuvre.

Un responsable de l’ONG Greenpeace Russia, Grigori Kouksine, a néanmoins regretté une décision « assez tardive » qui ne devrait pas, selon lui, changer « fondamentalement » la situation. « Il aurait mieux valu éteindre ces feux à des étapes plus précoces, quand il était encore possible de le faire », a-t-il affirmé sur la radio Ekho Moskvy.

Arrivé mercredi dans la région de Krasnoïarsk, la plus touchée, le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a promis de l’aide et affirmé en direct à la télévision que les incendies ne présentaient pas de « danger immédiat » pour la population. « Il y a des difficultés objectives : le problème des distances, des endroits difficiles à atteindre et des facteurs propres à cette année », a-t-il déclaré, tout en rappelant les incendies de 2010 qui avaient plongé plusieurs régions du pays, dont Moscou, sous une épaisse fumée.

Les feux de forêt dans la région de Krasnoïarsk vus depuis le satellite de  l’Agence spatiale Roscosmos, le 21 juillet 2019. / AP

Etat d’urgence

Provoqués par des orages secs et une chaleur « anormale » de 30 degrés qui s’est abattue sur ces régions, les feux sont propagés actuellement par des vents forts, affectant les régions voisines, a expliqué l’Agence fédérale des forêts. La fumée de ces incendies a déjà envahi une centaine de localités dans les zones où ils sont concentrés, mais a aussi atteint les grandes villes des région de l’Altaï (Sibérie occidentale) et de l’Oural comme Ekaterinbourg et Tchéliabinsk. Selon l’agence Interfax, 2 700 pompiers sont déployés sur place, tandis que l’état d’urgence a été déclenché dans cinq régions.

Le président Poutine a également annoncé que son homologue américain, Donald Trump, lui avait proposé son aide. Le président russe « a exprimé sa gratitude sincère pour cette attitude attentionnée et cette proposition d’aide et de soutien » et « a répondu que la partie russe allait profiter de cette proposition si nécessaire », indique le communiqué du Kremlin.

Cette image satellite du 21 juillet 2019 fournie par la NASA montre des vents transportant des panaches de fumée en Russie se mélangeant à un système orageux tourbillonnant. / Joshua Stevens / AP

Année record

Tous les ans, de gigantesques incendies font rage dans les vastes forêts isolées de Sibérie, au point que les autorités préfèrent parfois laisser faire tant que la population n’est pas menacée.

Depuis 2015, un nouveau règlement du ministère des ressources naturelles et de l’environnement de la Fédération de Russie prévoit d’ailleurs l’établissement de territoires (qualifiés de « zones de contrôle ») sur lesquels les feux de forêt peuvent ne pas être éteints. S’il est établi que le feu ne constitue pas une menace immédiate pour les habitants et que les coûts de la lutte contre les incendies s’annoncent plus importants que les dommages matériels qu’ils peuvent causer, les autorités locales peuvent décider de ne pas agir. Le 17 juillet, le gouvernement de la région de Krasnoïarsk avait ainsi estimé à 141 millions de roubles (environ 20 millions d’euros) le coût de la lutte contre les incendies sur son territoire, contre 4 millions celui des destructions attendues.

Mais leur ampleur est cette année exceptionnelle : le record de 2018 – 3,2 millions d’hectares brûlés – a déjà été dépassé. Elle fait craindre un impact environnemental à long terme, y compris sur la fonte des glaces de l’Arctique, selon des associations de défense de l’environnement qui ont demandé aux autorités d’agir davantage. Greenpeace affirme que douze millions d’hectares ont déjà brûlé cette année.