Jean-Michel Prêtre, le 19 janvier 2017 à Nice. / VALERY HACHE / AFP

Le procureur de la République de Nice, Jean-Michel Prêtre, va être proposé au poste d’avocat général près la cour d’appel de Lyon par la chancellerie, selon une information de Libération confirmée au Monde de source judiciaire.

« Il s’agirait d’une rétrogradation puisqu’il ne sera plus à la tête d’un parquet, mais désormais soumis aux ordres d’un procureur général », analyse le quotidien national. Cette nomination devrait être examinée par le Conseil supérieur de la magistrature, qui se réunira début septembre.

Affaire Legay

Une « rétrogradation » potentielle qui suit sa gestion critiquée de l’affaire Legay, du nom de cette militante d’Attac de 73 ans qui avait subi de graves blessures lors d’une manifestation des « gilets jaunes », le 23 mars, à Nice.

Deux jours plus tard, le procureur avait annoncé lors d’une conférence de presse que « ce dont on est sûr (…) à l’analyse des images, pixel par pixel, c’est qu’elle n’a pas été touchée par les forces de sécurité », rejetant la faute sur un « caméraman », une autre manifestante et une personne « avec une casquette marron », qui auraient pu déstabiliser la retraitée. Quatre jours plus tard, nouvelle conférence et revirement total, à la suite de la publication d’images de la manifestation dans la presse : la chute de Mme Legay était due à un « geste d’écartement du bras » d’un policier.

Parmi les différentes explications données par le magistrat dans le cadre de son audition demandée par le directeur des services judiciaires en avril, M. Prêtre avait affirmé qu’il n’avait pas voulu mettre le chef de l’Etat dans l’embarras « avec des divergences trop importantes » entre les versions. Et ce, de sa propre initiative, comme l’avait révélé Le Monde. Un mensonge qui a conduit la Cour de cassation à dépayser l’enquête, la confiant au tribunal de Lyon le 10 juillet.

Intrigues au Negresco

M. Prêtre fait également partie des rares procureurs à avoir été visé par une information judiciaire alors qu’il était en poste. Le 19 décembre 2018, son domicile a été perquisitionné dans le cadre d’une enquête du Parquet national financier (PNF) pour trafic d’influence et corruption. Les enquêteurs cherchent à savoir si M. Prêtre aurait, en saisissant le tribunal de commerce en 2017, outrepassé ses pouvoirs, voire favorisé un candidat repreneur de la succession du Negresco, le célèbre palace niçois.

Sans descendants et placée sous tutelle en 2013, Jeanne Augier – la propriétaire du Negresco aujourd’hui décédée – avait créé en 2009 un fonds de dotation (Mesnage-Augier-Negresco) qui devait gérer en principe son patrimoine à sa disparition. Mais en 2017, quatre ans après sa mise sous tutelle, Jean-Michel Prêtre, déjà procureur de la République de Nice, avait saisi le tribunal de commerce pour décider de la suite. Une intervention vécue par la direction et les salariés comme une prévente déguisée au profit d’un repreneur proche de M. Prêtre.

D’autres dossiers ont également fragilisé le procureur de Nice. En avril, Mediapart révélait les « lourds antécédents » de Jean-Michel Prêtre : alors qu’il était en poste en Guadeloupe, il a ainsi été soupçonné d’avoir annoncé l’identité d’un suspect – finalement innocenté – et d’avoir fait de fausses déclarations au sujet d’une perquisition survenue dans une enquête sur le meurtre d’un syndicaliste. A Nice, la nouvelle de cette mutation potentielle a été bien accueillie. « Il fallait ramener de la sérénité dans ce ressort », résume une source proche du dossier.

Le fonctionnement de la justice française expliqué en quatre minutes
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