L’ancien ministre algérien Khaled Nezzar lors d'une la conférence de presse à Paris, en avril 2001. / THOMAS COEX / AFP

Des mandats d’arrêts internationaux ont été lancés, mardi 6 août, par la justice militaire algérienne contre le général Khaled Nezzar, ancien ministre de la défense (1990-1993), son fils Lotfi, dirigeant d’une société d’informatique, et Farid Benhamdine, président de la Société algérienne de pharmacie.

Selon la télévision publique, les trois hommes, dont « les noms sont apparus durant l’instruction visant Saïd Bouteflika », le frère du président déchu Abdelaziz Bouteflika, sont accusés « de complot contre l’Etat et d’atteinte à l’ordre public ». La charge de complot contre l’Etat est passible, selon l’article 77 du code pénal algérien, de la peine de mort.

Même si la mesure fait grand bruit, elle était largement attendue depuis l’apparition sur Twitter, le 15 juillet, d’un compte, jamais ouvertement assumé, au nom de Khaled Nezzar, s’en prenant ouvertement au chef de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, accusé d’avoir « usurpé manu militari » le pouvoir.

« L’Algérie est prise en otage par un individu brutal qui a imposé le quatrième et inspiré le cinquième mandat. Il faut y mettre fin ! Pays en danger », assurait le premier tweet attribué à celui qui a été un des principaux acteurs, en janvier 1992, de l’interruption du processus électoral en passe d’être emporté par les islamistes. Le pays a ensuite plongé dans une décennie de guerre intérieure.

L’ancien ministre de la défense avait été entendu le 14 mai comme témoin dans l’enquête pour « complot contre l’autorité de l’armée et de l’Etat » visant Saïd Bouteflika, les anciens chefs des services de renseignements Mohamed Mediène (dit « Toufik ») et Athmane Tartag (alias « Bachir »), et la dirigeante du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune.

Le général Nezzar en avait profité pour charger lourdement Saïd Bouteflika, assurant que ce dernier lui avait dit, lors d’une rencontre en mars, qu’il envisageait d’instaurer l’état de siège et de démettre le général Gaïd Salah. La charge avait été rendue publique par le site Algérie Patriotique, dirigé par son fils, et interprétée à l’époque comme un signal envoyé au nouvel homme fort du pays, Ahmed Gaïd Salah, engagé dans une guerre ouverte contre la « issaba » (la bande), nom donné au clan Bouteflika. Ce « signal » est toutefois resté sans effet.

Fuite en Espagne

Selon des médias algériens, l’entrepreneur Farid Benhamdine serait quant à lui « l’intermédiaire entre l’ancien ministre de la défense et Saïd Bouteflika » dans ce qui a été considéré comme un « complot » contre le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah. De témoin, le général Nezzar s’est ainsi retrouvé accusé de complot avec la « bande ».

Probablement informé du sort qui l’attendait, l’ancien homme fort des années 1990 a prudemment fui l’Algérie vers l’Espagne, il y a un mois, avant d’être rejoint par son fils Lotfi, dont l’entreprise SLC, fournisseur d’accès à Internet, s’est vu retirer, il y a quelques jours, son agrément. La « guerre » entre Ahmed Gaïd Salah et Khaled Nezzar a été en quelque sorte officialisée par l’apparition du compte Twitter au nom de l’ancien ministre de la défense, qui n’a jamais démenti qu’il lui appartenait.

Après l’annonce du mandat d’arrêt, deux tweets ont été publiés sur le compte @KhaledNezzar8 :

Pour certains observateurs, cette nouvelle péripétie confirme que le mouvement populaire pacifique qui persiste en Algérie depuis le 22 février est en train d’accélérer la déconfiture d’un régime dont les principales figures sont en prison, poursuivies notamment dans des affaires de corruption.