Le CD Tacon, futur Real Madrid féminin, a marqué un grand coup en recrutant la meneuse de jeu suédoise Kosovare Asllani (à gauche), qui évoluait au Linköpings FC l’an dernier. / STEFAN JERREVANG / AFP

« Une mondialiste va rejoindre le LOSC. » C’est par ce titre que le quotidien régional La Voix du Nord annonçait, en juin, la signature de la footballeuse camerounaise Marlyse Ngo Ndoumbouk à Lille. Un transfert concernant la deuxième division féminine, où évoluent les footballeuses lilloises, peut désormais trouver sa place dans la presse, sans que cela ne surprenne plus personne. Signe que le football au féminin surfe encore sur la vague médiatique du Mondial 2019, une vague qui concerne désormais un marché des transferts en pleine effervescence.

Il paraît loin le temps où seuls les championnats scandinave, américain, allemand ou français réussissaient à attirer des joueuses internationales. Cette année, plusieurs d’entre elles ont profité de l’été pour changer de club, notamment dans des pays en plein boom comme l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie.

Des mondialistes qui capitalisent sur la Coupe

Quelques joueuses qui ont brillé lors de la Coupe du monde féminine ont signé un nouveau contrat. Les plus remarquées sont sans doute les Suédoises Kosovare Asllani (ex-Linköpings FC en Suède) et Sofia Jakobsson (ex-Montpellier), qui se sont engagées avec le CD Tacon, future section féminine du Real Madrid.

Parmi les autres transferts notables de joueuses qui ont marqué les esprits lors de la compétition : la gardienne néerlandaise Sari van Veenendaal, finaliste et Gant d’or du Mondial, a quitté Arsenal pour l’Atlético de Madrid, champion d’Espagne en titre. Sa compatriote Jackie Groenen (ex-Francfort), auteure du but qui a qualifié les siennes en finale face à la Suède, a rejoint Manchester United. La Suédoise Linda Sembrant (Montpellier) a signé à la Juventus de Turin, l’Allemande Sara Däbritz (Bayern Munich) au PSG, la gardienne suédoise Hedvig Lindahl (Chelsea) à Wolfsburg.

Quant à l’Anglaise Ellen White, comeilleure buteuse de la Coupe du monde avec 6 réalisations, elle est montée en gamme en passant de Birmingham à Manchester City, champion en 2016 et dauphin, depuis, dans le championnat anglais. Chez les Bleues, trois remplaçantes ont changé d’air à l’intersaison : Charlotte Bilbault du Paris FC à Bordeaux, Maeva Clémaron du FC Fleury à Everton et Julie Debever de Guingamp à l’Inter Milan.

Un effet Coupe du monde relatif

Des transferts mieux médiatisés, mais pas forcément plus nombreux. « Il n’y a pas forcément plus de transferts que d’habitude, c’est mon ressenti », analyse l’agente historique de joueuses Sonia Souid. Difficile de dire si ce mercato, qui sera clos le 23 septembre, verra plus de mouvements que l’année 2018, quand 577 transferts internationaux de joueuses avaient été enregistrés par la Fédération internationale de football.

« Avant chaque mercato, il y a toujours une compétition importante, une Coupe du monde ou un Euro, ces compétitions permettent aux joueuses de se montrer, mais les gros clubs se positionnent souvent avant », tempère-t-elle.

Cette année, ce fut le cas de l’Olympique lyonnais, six fois champion d’Europe, qui a fait signer la latérale anglaise Nikita Parris dès la fin mai. De Bordeaux, aussi, qui a recruté l’attaquante jamaïcaine Khadija Shaw, et du FC Barcelone, finaliste de la Ligue des champions la saison dernière, qui s’est offert les services de la Norvégienne Caroline Graham Hansen avant le Mondial.

L’effet Coupe du monde est aussi relatif, car le marché féminin est plus restreint et les enjeux financiers très différents chez les femmes. Beaucoup de joueuses changent de club quand elles sont libres de tout contrat.

Des enjeux financiers minimes

Selon un rapport de la FIFA, seulement 500 000 dollars (447 000 euros) ont été dépensés en indemnités de transfert en 2018 sur le marché féminin (entre le 1er janvier et le 1er septembre), bien loin des sommes mirobolantes échangées à chaque mercato masculin.

« Le mercato féminin, c’est anecdotique. Je vois surtout une évolution dans les salaires et les conditions de travail offerts aux joueuses au fil des années », confie Sonia Souid, qui fut la première à négocier un transfert payant pour une joueuse en France (Marie-Laure Delie de Montpellier au PSG, en 2013, pour 50 000 euros). Il y a dix ans, les salaires se comptaient en centaines d’euros, aujourd’hui certaines stars de D1 en France bénéficient de rémunérations proches de celles de leurs homologues masculins en Ligue 2.

Le championnat féminin dépend de la Fédération française de football et les joueuses signent des contrats fédéraux (non professionnels). Aujourd’hui, l’Espagne formule les contrats sur ceux des footballeurs, avec notamment des clauses libératoires. Comme un signe, c’est d’ailleurs de ce championnat que vient le plus gros bouleversement du mercato cette année, avec l’entrée en jeu du Real Madrid.

L’ombre du Real Madrid plane déjà sur l’Europe

Absent du championnat féminin espagnol, le Real Madrid a racheté avant l’été le club CD Tacon pour se lancer officiellement dans l’aventure en 2020. En attendant, le club, qui vient de monter dans l’élite féminine espagnole, garde son nom pour encore une saison. Mais jamais le mercato d’un promu n’a autant fait parler de lui.

Les médias locaux parlent d’un budget de 2 millions d’euros pour le recrutement. En faisant de la meneuse de jeu suédoise Kosovare Asllani leur première joueuse internationale, les Madrilènes ont envoyé un message fort à l’Europe. Le club pourrait jouer le podium en championnat dès cette année et disputer la Ligue des champions dès 2020. Les signatures de l’autre Suédoise, Sofia Jakobsson, de la Française Aurélie Kaci en provenance de l’Atlético de Madrid, champion d’Espagne, et des internationales brésiliennes Thaisa et Daiane viennent le confirmer.

« Dans les trois prochaines années, je pense qu’on parlera plus d’un effet Real Madrid que d’un effet Coupe du monde, confirme Sonia Souid. Ils sont là pour faire les choses en mode galactique ou rien ! » Un nouveau club prêt à investir des millions et à concurrencer l’Olympique lyonnais, qui règne sur la Ligue des champions sans partage depuis quatre ans, serait certainement une bonne nouvelle pour le développement des championnats féminins.

En attendant, le club madrilène va connaître un baptême du feu le 8 septembre en affrontant d’entrée le FC Barcelone, finaliste de la Ligue des champions en 2018. Les Catalans ont déjà préparé leur saison avec un mercato offensif en prolongeant le contrat de la Néerlandaise Lieke Martens et en recrutant la meneuse espagnole Jennifer Hermoso, impressionnante pendant la Coupe du monde. A défaut d’avoir remporté le Mondial ou d’avoir vu un de ses clubs sur le toit de l’Europe en Ligue des champions, l’Espagne fait souffler un vent de nouveauté sur le marché des transferts féminins en cet été 2019.