Chelsea avait annoncé en 2016 l’ouverture d’une enquête sur les agissements d’Eddie Heath, recruteur pour les Blues de 1968 à 1979, et mort en 1983. / JUSTIN TALLIS / AFP

Des jeunes du club de foot de Chelsea ont été victimes pendant les années 70 d’agressions sexuelles commises par un recruteur, au su d’autres employés qui « fermaient les yeux », affirme mardi 6 août un rapport indépendant réalisé à la demande du club. Chelsea avait annoncé en 2016 l’ouverture d’une enquête sur les agissements d’Eddie Heath, recruteur pour les Blues de 1968 à 1979, et mort en 1983.

C’était un « agresseur d’enfants dangereux et prolifique », affirme le club de Premier League dans un communiqué accompagnant la publication du rapport. « Bien que le club d’aujourd’hui soit très différent de celui de l’époque (…) nous n’hésiterons pas à assumer la responsabilité de ce qui s’est passé », assure-t-il, alors que des demandes d’indemnisation de victimes sont en cours d’évaluation. En décembre 2016, l’ancien joueur de Chelsea Gary Johnson avait ainsi affirmé avoir été payé 50 000 livres en 2015 (59 155 euros d’alors) par le club de football en échange de son silence sur les agressions sexuelles dont il a été victime.

Au moins 23 victimes de Heath

Selon les conclusions du rapport, dirigé par l’avocat Charles Geekie, Heath s’est trouvé en position d’agresser des garçons âgés de 10 et 17 ans sans rencontrer d’opposition de la part du club. Me Geekie s’est entretenu avec 23 victimes qui ont décrit l’ancien recruteur comme un « manipulateur » dont le comportement de prédateur sexuel était un secret de Polichinelle pour les joueurs comme pour le personnel du club.

« Les garçons savaient tous qu’il fallait être nombreux pour être en sécurité : tu ne voulais pas être le dernier dans le van, où tu risquais d’être tripoté ou de recevoir une fessée. Il était connu comme “Eddie le cauchemar” », déclare un témoin cité dans le rapport.

Heath espionnait les joueurs dans les toilettes ou les cabines de douche. Il invitait ses « favoris » chez lui pour regarder des matchs, leur offrait de l’argent, des bonbons, se liait d’amitié avec leurs parents. Il avait aussi l’habitude de faire des « insinuations » à caractère sexuel dans les vestiaires, mais veillait à ce que « ses agressions sexuelles les plus graves aient lieu en privé », évoque le rapport.

Un témoin accuse les employés du club d’avoir « fermé les yeux sur ce qu’il faisait ». « Il était de notoriété publique qu’Eddie Heath était un “pointeur” », un terme qui désigne dans l’argot des prisons un agresseur sexuel, avait déclaré il y a quelques années Alan Hudson, ancien joueur de Chelsea.

Heath avait été licencié après l’arrivée, en 1979, à la tête du club de Geoff Hurst, auteur d’un triplé lors de la finale du Mondial 1966 remportée 4-2 par l’Angleterre contre l’Allemagne.

350 victimes potentielles

La Fédération anglaise de football (FA) et les clubs anglais sont accusés d’avoir couvert pendant des décennies des actes de pédophilie dont le nombre de victimes potentielles est monté à 350, selon un bilan de la police rendu public en décembre 2016.

Tout est parti des révélations d’Andy Woodward, ancien joueur du club de Crewe Alexandra, âgé de 43 ans, qui a raconté son calvaire au Guardian en novembre 2016. Depuis, plus de vingt joueurs, dont plusieurs anciens internationaux, ont pris la parole pour expliquer qu’ils avaient été agressés sexuellement par un entraîneur ou un recruteur lorsqu’ils étaient enfants.

Plusieurs enquêtes ont été ouvertes par Scotland Yard, mais aussi dans les régions de Londres, Manchester, Cambridge, Birmingham, Liverpool, Norwich, Newcastle, en Ecosse et dans les Galles du Nord.