Abdelfattah Mourou, candidat du parti Ennahdha à l’élection présidentielle, à Tunis, le 25 juillet 2019. / FETHI BELAID / AFP

En Tunisie, le parti d’inspiration islamiste Ennahda, principale force au Parlement, a présenté, mercredi 7 août, un candidat à la présidentielle anticipée de septembre – une première dans l’histoire de cette formation. L’annonce de la candidature d’Abdelfattah Mourou a été faite dans un communiqué laconique du parti, qui doit tenir une conférence de presse dans l’après-midi.

En 2011, neuf mois après la révolution qui avait chassé du pouvoir le président Zine El-Abidine Ben Ali et mis le pays sur la voie de la démocratie, Ennahda avait remporté les législatives, premier scrutin post-révolution. Mais « c’est la première fois de son histoire que le mouvement présente un candidat à la présidentielle », a déclaré à l’AFP le porte-parole d’Ennahda, Imed Khmiri. « Le conseil consultatif du parti a voté à une majorité de 98 voix en faveur de la candidature d’Abdelfattah Mourou à l’élection présidentielle », a indiqué Ennahda dans son communiqué.

Abdelfattah Mourou, 71 ans, est l’un des membres fondateurs d’Ennahda, au côté de Rached Ghannouchi, en 1981. Connu pour sa modération, il est chef du Parlement par intérim depuis que son prédécesseur, Mohamed Ennaceur, est devenu chef de l’Etat par intérim après le décès, le 25 juillet, du président Béji Caïd Essebsi à l’âge de 92 ans.

Faiseur de roi

Avant le bouleversement du calendrier électoral, Ennahda était réticent à l’idée de présenter son propre candidat à la présidentielle, pour laquelle il voulait jouer les faiseurs de roi, et misait sur un succès aux législatives, prévues initialement avant la présidentielle. Mais le premier tour de la présidentielle a été avancé au 15 septembre et les législatives sont prévues le 6 octobre.

Les candidats à la présidentielle ont commencé à déposer le 2 août leur candidature. Mardi, 27 prétendants avaient déjà soumis leur dossier au siège de l’Instance indépendante chargée des élections (ISIE). Parmi eux, l’homme d’affaires et magnat des médias Nabil Karoui. Inculpé pour blanchiment d’argent, il se présente comme le candidat des plus démunis. M. Karoui est un adversaire de taille pour le premier ministre Youssef Chahed, candidat du parti Tahya Tounes. Abir Moussi, pasionaria de l’ancien régime de Zine El-Abidine Ben Ali, est également en lice. Elle prône, entre autres, l’exclusion des islamistes, dont ceux d’Ennahda.

Figurent aussi Hamadi Jebali, ex-numéro deux d’Ennahda, qui se présente en indépendant, et Moncef Marzouki, élu en 2011 par le Parlement premier président après la révolution. « Aujourd’hui, il y a une véritable démocratie et le peuple peut choisir librement », a dit M. Marzouki. Autre candidat notable mercredi, le ministre de la défense, Abdelkarim Zbidi, qui a présenté sa démission avant de faire acte de sa candidature.

Les candidats ont jusqu’au 9 août pour déposer leur dossier. Le 31 août, l’ISIE annoncera la liste de ceux qu’elle a retenus et la campagne se déroulera du 2 au 13 septembre. Les résultats préliminaires seront annoncés le 17 septembre. La date du deuxième tour n’a pas été décidée, mais il devrait se tenir avant le 3 novembre, selon l’ISIE. Pour les législatives d’octobre, Rached Ghannouchi est tête de liste dans la circonscription électorale de Tunis.

« Oiseau rare »

Ennahda reste marqué par sa première expérience au pouvoir, lorsqu’il s’était retrouvé empêtré dans des crises et confronté à une forte opposition politique, après avoir remporté les législatives de 2011. Il avait dû céder la place à un cabinet de technocrates début 2014. Depuis qu’il a pris un peu de recul, le parti s’évertue à policer son image, insistant pour être décrit comme un parti « démocrate musulman » et non « islamiste ». A ce titre, il a dit poursuivre sa transformation – annoncée en 2016 – en force « civile », excluant toute activité de prédication religieuse.

En mai, Rached Ghannouchi n’avait pas exclu de présenter « un membre d’Ennahda » à la présidentielle, tout en ajoutant que « le plus important » était de trouver « un candidat consensuel ». « Cet oiseau rare, on ne l’a pas encore trouvé », avait dit M. Ghannouchi, dont le parti avait gagné la majorité des mairies lors des élections locales de 2018.

Berceau du printemps arabe, la Tunisie est le seul des pays touchés par les contestations à poursuivre sur la voie de la démocratisation, malgré les soubresauts politiques, la morosité économique et des attaques djihadistes.