Des femmes demandent que la justice poursuive son enquête sur le milliardaire, son portrait en main, devant le palais de justice le 8 juillet, à New York. / STEPHANIE KEITH / AFP

Le milliardaire américain Jeffrey Epstein, accusé d’abus sexuels sur mineures, et risquant la prison à perpétuité, a été retrouvé mort dans sa cellule de la prison de Manhattan où il attendait son procès, samedi 10 août. Un mois plus tôt, le milliardaire avait été arrêté de retour de France et inculpé pour exploitation sexuelle de mineures et pour association de malfaiteurs en vue d’exploiter sexuellement des mineures.

Des accusations loin d’être inédites. Il y a dix ans, Jeffrey Epstein avait déjà été condamné pour des faits similaires. Pas moins de 40 victimes avaient alors été identifiées et il avait passé quelques mois en prison.

La mort de Jeffrey Epstein a suscité toutes les hypothèses complotistes sur les réseaux sociaux, du fait des liens d’amitié entre le financier et des personnalités comme Donald Trump, Bill Clinton ou le prince Andrew.

  • Ce qui était reproché à Jeffrey Epstein

Dans un document rendu public le 8 juillet, le bureau du procureur de Manhattan affirme qu’Epstein a abusé entre 2002 et 2005 de dizaines de mineures, dont certaines âgées de 14 ans, moyennant le versement de sommes d’argent, en liquide, dans ses résidences de Manhattan et de Palm Beach, en Floride. Il aurait, en outre, payé certaines de ses victimes pour qu’elles recrutent, pour lui, d’autres proies dans leur entourage.

D’après les premières enquêtes, Epstein a été aidé par Ghislaine Maxwell, son ex-compagne, pour recruter des jeunes filles. La plupart sont issues de milieux défavorisés. Au total, le carnet d’adresses d’Epstein comptait plus de 150 noms de femmes, dont des mineures.

L’homme d’affaires avait déjà été accusé en 2008 d’incitation à la prostitution de mineures. Trente-six victimes avaient été identifiées. Mais les avocats de l’accusé avaient proposé un accord pour lui éviter la prison à vie. Epstein avait été condamné à purger une peine de dix-huit mois d’emprisonnement dans une aile privée de la prison de Palm Beach, un établissement qui l’autorisait à travailler à son bureau six jours sur sept. Il avait finalement été libéré au bout de treize mois et inscrit sur la liste des délinquants sexuels.

  • Le scandale politico-médiatique

Des centaines de pages de documents judiciaires, rendus publics vendredi, sont venues confirmer que Jeffrey Epstein a longtemps été un membre éminent de la jet-set, proche de personnalités, y compris des présidents Bill Clinton et Donald Trump et du prince Andrew, fils de la reine Elizabeth II, qui avaient notamment voyagé dans son jet privé.

L’une des victimes d’Epstein, Virginia Roberts, raconte avoir « été offerte à des politiciens, à des professeurs d’université, à des gens issus de la royauté », notamment le prince Andrew, qui a toujours nié.

Jeffrey Epstein était aussi proche de Donald Trump, qui confiait en 2002 dans un entretien : « Je connais Jeff depuis quinze ans. Un type génial… C’est un plaisir de passer du temps avec lui. On dit même qu’il aime autant les jolies femmes que moi. Il les préfère plutôt jeunes. »

Selon le New York Magazine, l’ancien président américain Bill Clinton aurait également embarqué plusieurs fois à bord d’un jet privé du financier. D’après la journaliste d’investigation Conchita Sarnoff, « Clinton a été invité 27 fois par Epstein (…) Presque chaque fois que le nom de Clinton est inscrit sur le journal de bord du pilote, des filles mineures le sont aussi. Il y a des initiales et beaucoup de noms de filles dans cet avion privé ».

  • La polémique autour de son « suicide apparent »

Jeffrey Epstein était incarcéré depuis début juillet au Metropolitan Correctionnal Center, à Manhattan, dans l’attente de son procès. Son avocat avait demandé une libération sous caution, refusée par la justice, qui estimait qu’il présentait un trop haut risque de sortie du territoire en raison de ses moyens financiers et de ses connaissances.

Fin juillet, Epstein est retrouvé allongé par terre dans sa cellule avec des marques sur le cou, après ce qui avait été présenté comme une possible tentative de suicide. Les blessures étaient toutefois à ce moment-là sans gravité et il est présenté dans les jours suivants à une audience judiciaire.

Depuis son « suicide apparent », selon les termes du procureur de New York, Geoffrey Berman, le 10 août, théories du complot, interrogations et spéculations font rage aux Etats-Unis, du fait de sa proximité avec des personnalités politiques et du monde des affaires de premier rang. D’autant que la mort de M. Epstein vient priver les victimes d’un procès où d’éventuelles complicités auraient pu être découvertes. Samedi, le président républicain a retweeté un message complotiste alléguant, sans preuve, que Bill Clinton pourrait être lié à la mort du milliardaire.

En France, où Epstein possédait un appartement, à Paris, l’affaire pourrait également avoir des suites judiciaires. Lundi 12 août, Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, et Adrien Taquet, secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance, ont réclamé l’ouverture d’une enquête « afin que toute la lumière soit faite. »