Le pont Morandi de Gênes s’est effondré le 14 août 2018. / VALERY HACHE/ AFP

NATIONAL GEOGRAPHIC - MARDI 13 AOÛT 20 H 40 - DOCUMENTAIRE

« Ce n’est pas possible ! » Une voix étouffée par l’émotion répète ces mots. Il est 11 h 36 à Gênes (Italie), le 14 août 2018. Le pont Morandi, le « pont de Brooklyn », comme le surnomment les habitants de la capitale ligure, s’effondre sur une longueur de plus de 200 mètres, entraînant 16 voitures, 2 camionnettes, 5 camions et provoquant la mort de 43 personnes. Un an jour pour jour après ce drame inédit, National Geographic a enquêté.

Le documentaire qui en résulte restitue la chronologie précise des événements, minute par minute, à l’aide de nombreux témoignages de victimes, d’ingénieurs, de sauveteurs, toujours dignes, souvent bouleversants. Parmi eux, Davide Capello, pompier à Savone, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Gênes. Il a roulé à la hauteur du pilier 9, à l’instant où tout s’est écroulé : « Les voitures virevoltaient dans le vide comme des cartes à jouer. » Il se sent tomber et pense mourir. Le récit de son sauvetage est incroyable. Rescapé, il reste choqué, victime du syndrome du « pourquoi moi ? ». Pourquoi est-il en vie quand tant d’autres sont morts ?

Egle Passetti et sa fille Nadia habitaient sous le pont quand il s’est écroulé. Claudia, son autre fille, était partie à la mer avec ses deux enfants et son mari, en empruntant le pont. Ils ne reviendront pas. Les appels vains sur le portable, l’attente à l’hôpital… plusieurs familles relatent l’angoisse de ne pas savoir. L’impossibilité d’accepter lorsque l’on sait. « Il n’est pas normal de vivre la mort de ses enfants », confie Marcello.

Faiblesses originelles

Silvano Ruffoni est urgentiste, Sergio Arthemalle pompier. Lorsqu’ils reçoivent les premiers appels, à 11 h 37, leur réflexe est de ne pas y croire. Une réaction partagée par beaucoup et qui s’explique par le fait qu’un pont représente, inconsciemment, la stabilité. Les premiers secours se rendent sur place à 11 h 45 « Une fois arrivés, on n’a plus dit un seul mot, raconte l’un d’eux. On se serait cru en enfer. » Seuls les chiens – ils sont une quarantaine mobilisés – parviennent à se faufiler entre les blocs. Mais ils ne trouvent que des cadavres.

Au-delà de la reconstitution des faits, précieuse, les témoignages permettent d’ébaucher une explication. Certains ont vu un éclair, d’autres un énorme rouleau tombé d’un camion. Mimma Certo se souvient des travaux réalisés sur le pont en février 2018. National Geographic remonte à l’inauguration, le 4 septembre 1967, de cet ouvrage futuriste en béton « précontraint » conçu par l’architecte Riccardo Morandi. Le document pointe les faiblesses originelles – dès les années 1980, Morandi lui-même se montrera sceptique sur la longévité de l’édifice, la « fatigue structurelle » liée à la charge supportée, multipliée par dix en quarante ans. A contrario, un professeur d’ingénierie du bâtiment a examiné l’ouvrage en 2017. Pour lui, le pont « vibrait » normalement.

Moins d’un mois après le drame, l’architecte italien Renzo Piano présentait, depuis son agence génoise, les plans du nouveau pont qu’il a imaginé pour remplacer celui qui s’est effondré – réalisés gratuitement. Un pont en acier, solide et facile d’entretien, conçu pour « durer cinq cents ans ! ».

Les autorités italiennes assurent qu’il sera achevé en 2020. Commencé en février, le démantèlement total du pont s’est achevé fin juin.

La tragédie du Pont de Gênes - Trailer officiel
Durée : 00:31

La tragédie du pont de Gênes, de Marco Visalberghi (It./EU, 2019, 44 min).