Omar Al-Bachir, à Khartoum, la capitale du Soudan, le 16 juin. / YASUYOSHI CHIBA / AFP

C’est un coup aux allures de coïncidence, le tout agrémenté d’un peu de panache et d’ironie, comme il sied aux grands moments. Samedi 17 août, le président déchu du Soudan, Omar Al-Bachir, verra son procès commencer. Le jour même où les forces ayant émergé lors de la chute, en avril, du général doivent signer à Khartoum la « déclaration constitutionnelle » qui encadre, de manière formelle, la fin de son pouvoir.

Une fois renversé par ses propres généraux, réunis ensuite dans une structure baptisée « Conseil militaire de transition » (TMC), M. Al-Bachir avait été placé en résidence surveillée, puis, en théorie, transféré à la prison de Kober, dans le nord de Khartoum. Maints observateurs s’interrogeaient sur la détermination des membres du TMC à l’exposer à la justice soudanaise.

Il ne faisait aucun doute, en revanche, qu’ils n’accepteraient pas de transférer l’ex-dictateur à la Cour pénale internationale (CPI), dont le bureau du procureur, entre 2009 et 2010, avait délivré plusieurs mandats d’arrêt à son encontre, afin de répondre à des accusations de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. Celles-ci étaient liées à la vague de violences et de massacres de population commis au Darfour, dans l’ouest du pays, pour y écraser une rébellion entre 2003 et 2004.

« Possession de devises étrangères »

Omar Al-Bachir devrait être appelé à comparaître devant un tribunal soudanais pour y répondre d’accusations de corruption. Rien concernant le Darfour ou la répression menée contre les manifestants depuis décembre 2018. Cela n’a pas empêché le responsable de la défense de l’ex-président, Ahmed Ibrahim Al-Tahir, de déclarer à l’Agence France-Presse, lors de la première audience du procès, le 16 juin – à laquelle son client n’a pas assisté – que cette procédure était fondée sur « un dossier d’accusation vide ».

Parmi les éléments du parquet figure « la possession de devises étrangères », en lien avec la découverte, dans l’une de ses résidences, juste après le coup d’Etat du 11 avril, d’une masse de devises dont le montant total s’élevait à 113 millions de dollars (101 millions d’euros). « C’est un peu comme Al Capone. On ne pouvait pas l’arrêter pour ses crimes, alors on l’a mis en prison pour des fraudes sur les impôts, ironise une source proche du mouvement de contestation civil.

Et d’ajouter : « Les militaires ne veulent pas que Bachir soit jugé pour d’autres motifs que ces dossiers de corruption, car cela les mettrait en danger. Pour les crimes du Darfour, par exemple, il a bien ordonné l’opération qui a conduit aux massacres, mais, pour la mise en œuvre, ces mêmes responsables militaires en ont été le bras armé. Le général Abdel Fattah Abdelrahman Bourhane [qui préside le TMC] lui-même, alors au sein des renseignements militaires, a joué un rôle central à cette époque. Ils n’accepteront jamais un procès où ces faits seront exposés. Mais ils ont conscience qu’il faut faire un exemple. Alors le procès pour corruption d’Omar Al-Bachir sera sans doute mené à son terme. C’est une façon pour eux de se dédouaner. »