La cathédrale de Berlin, le 25 mars 2019. / Paul Zinken / AP

Si sa fille avait été un garçon, Susann Bräcklein n’aurait sans doute pas saisi la justice. Mais voilà, sa fille est bien une fille, et l’avocate allemande a estimé que cette raison ne pouvait être invoquée pour justifier le refus de la Maîtrise d’Etat de la cathédrale de Berlin (Staats- und Domchor Berlin) d’accueillir son enfant parmi ses jeunes choristes, tous des garçons. Le tribunal administratif a tranché, vendredi 16 août. Et a estimé que la chorale avait été dans son droit, l’article 5 de la Constitution (« L’art, la science, la recherche et l’enseignement sont libres ») l’emportant ici sur l’article 3 (« Hommes et femmes sont égaux en droits »).

Pour la mère, c’est le sexe de son enfant – et uniquement lui – qui a posé problème. La preuve ? Quand elle a contacté l’illustre chorale, fondée à la fin du XVe siècle par le prince-électeur Frédéric II de Brandebourg, afin de savoir si sa fille de 9 ans pouvait l’intégrer, la réponse a été lapidaire. « Votre demande ne peut aboutir. Jamais une fille ne chantera dans une chorale de garçons. »

« Liberté de l’art »

Devant le tribunal, le directeur de l’institution, Kai-Uwe Jirka, a expliqué que les choses étaient plus compliquées. Il a souligné que la fillette avait finalement été auditionnée. Que le jury lui avait trouvé une très belle voix. Mais que le timbre de celle-ci n’était pas adapté à sa chorale.

Interrogé sur le fait de savoir si un garçon avec le même timbre aurait été traité de la même façon, le directeur a assuré que oui, rappelant que 80 % des candidats qui souhaitent intégrer sa chorale sont rejetés. Mais des différences anatomiques font que les garçons, même avant d’avoir mué, n’ont pas la même voix que les filles, a-t-il insisté.

Est-ce à dire qu’une petite fille n’a aucune chance d’obéir aux critères qu’il considère être ceux d’une chorale de jeunes garçons, lui a alors demandé le juge. « Non », a répondu le directeur, mais pas sans exercer une forme de « violence », comme dans le sport de haut niveau, ce qu’il ne considère pas comme pédagogiquement opportun.

La mère a rappelé que la chorale, sous la tutelle de l’Université des arts de Berlin, recevait de l’argent public. Et qu’à ce titre elle avait une responsabilité particulière en matière de lutte contre les discriminations entre les sexes. Pas au point de remettre en cause la « liberté de l’art », garantie elle aussi par la Constitution, a toutefois estimé la justice.