Christian Gourcuff lors du match face à Lille. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Le Nantes que j’ai connu et aimé est mort ». Christian Gourcuff a le mérite de la franchise. En acceptant de prendre, le 8 août, les rênes du FC Nantes Atlantique (FCNA), le technicien breton n’a pas renié ses paroles prononcées il y a déjà 10 ans. Aucun paradoxe, assure-t-il avant de diriger son deuxième match à la tête des Canaris face à l’OM, samedi 17 août, après une première défaite concédée à Lille (2-1) en ouverture de la saison 2019/2020 de Ligue 1.

Le championnat de France retrouve un de ses entraîneurs les plus emblématiques, dont la mission sera de redresser une institution en perdition. « Je n’ai jamais caché mon admiration pour le FCN de (Coco) Suaudeau, (Raynald) Denoueix. Je revendique une certaine filiation technique avec ces gens-là, que j’appréciais humainement. Un club, ce sont surtout des valeurs et des hommes qui les défendent », a précisé le nouveau coach des Canaris en conférence de presse.

L’union entre cet adepte du beau jeu et un club qui a forgé sa légende avec un football fait de mouvement perpétuel apparaît comme naturelle. Elle n’en demeure pas moins aussi improbable qu’inattendue. Car Gourcuff a été engagé par Waldemar Kita, propriétaire du FCNA, président dévoreur d’entraîneurs, présenté par les supporteurs nantais comme l’un des fossoyeurs du club, cité dans l’affaire des Panama Papers et qui vient de se lancer, avec sa société Vivacy, dans le business de l’allongement de pénis.

Un club hors-sol

L’ancien entraîneur de Lorient et de Rennes aurait-il renoncé à ses principes ? « Je ne renie rien et ce n’est pas Kita qui a viré Denoueix. Les problèmes des clubs, les techniciens qui changent, ça dépend d’abord des propriétaires, a-t-il défendu dans un entretien au quotidien l’Equipe publié jeudi 15 août. Un constat partagé par Florian Le Teuff, président de l’association A La Nantaise qui prône un retour aux valeurs originelles du club, farouche opposant à Waldemar Kita sur le dossier du nouveau stade « Yellow Park » finalement abandonné. Il marque le début du lent déclin du club avec la vente du FCN à Socpresse en 2001. Nantes passe ensuite entre les mains de Serge Dassault entre 2004 et 2007 avant d’échoir à Kita. Depuis, « le club est devenu hors-sol, des acteurs étrangers au territoire détiennent l’intégralité du capital, il n’y a plus d’ancrage local alors qu’il appartient au patrimoine de la ville. »

La fragilité de l’institution laisse les supporteurs dubitatifs quant au réel impact que pourrait avoir Christian Gourcuff sur l’avenir du FCNA : « On aimerait tellement y croire parce que Gourcuff incarne une philosophie du foot, des valeurs sportives dans la lignée d’Arribas, Suaudeau, Denoueix, des principes de jeu auxquels les amoureux du FC Nantes sont particulièrement attachés. Mais il n’a signé que pour un an…, soupire Florian Le Teuff. Et ce discours sur le beau jeu à la nantaise, on l’a entendu maintes et maintes fois, notamment avec Furlan, Chauvin ou Cardoso. On a envie d’y croire mais avec du recul on sait que quelque chose cloche et qui rend impossible les bons résultats. »

Le FC Nantes qui était un modèle de stabilité avec 8 titres de champions de France et plus de 100 matchs disputés en Coupe d’Europe est ainsi devenu le club le plus instable du championnat français. 20 entraîneurs se sont succédé à la tête du club depuis 2001, alors que seulement cinq techniciens avaient présidé sa destinée entre 1960… et 2001. Waldemar Kita a lui usé douze entraîneurs avant de jeter son dévolu sur Gourcuff.

Ce mariage improbable n’a pas manqué d’étonner. Christian Gourcuff n’a jamais manqué au cours de sa carrière de répéter qu’il concevait ce métier dans sa globalité et qu’il avait « un avis sur tout : la formation, la gestion des pros et le recrutement. » Tout ce que n’a pas laissé faire Waldemar Kita à ses entraîneurs, dont le dernier en date, le Franco-Bosnien Vahid Halilhodzic.

Une situation qu’accepte totalement Christian Gourcuff, qui se dit séduit par la présence et le discours de Waldemar Kita. « Si je suis à Nantes, c’est que j’estime qu’on peut cohabiter. Si c’était une autre personne, pas sûr que je sois là. Chacun sa personnalité. Après, si je suis viré dans un mois… » Le technicien de 64 ans pensait couler une retraite paisible dans sa Bretagne natale. Il n’aura fallu qu’un coup de téléphone de Waldemar Kita pour l’en sortir. « Le seul problème, c’est que j’aime passionnément ce que je fais, s’excuserait presque Christian Gourcuff. Et je suis déjà mieux depuis que j’ai retrouvé le terrain. » Pour son premier match à La Beaujoire, face à l’OM, autre institution chancelante, Christian Gourcuff sera attendu. « Son nom évoque beaucoup de choses pour nous, on a forcément envie d’y croire, mais il y a cette espèce de fatalité », soupire Florian Le Teuff. Canari échaudé craint l’eau froide.