Au moins 4 000 personnes ont été interpellées dans le Cachemire indien depuis la révocation de l’autonomie de ce territoire par New Delhi il y a deux semaines, d’après des sources gouvernementales citées par l’Agence France-Presse (AFP). Ce chiffre donne une première idée de l’ampleur des mesures prises par les autorités pour empêcher toute manifestation. Ces personnes ont été interpellées en vertu de la loi sur la sécurité publique, a précisé par ailleurs à l’AFP un magistrat s’exprimant sous couvert de l’anonymat. Cette loi controversée permet aux autorités d’emprisonner une personne pour une durée qui peut aller jusqu’à deux ans sans accusation ni procès.

« La plupart ont été évacuées par avion du Cachemire parce que les prisons n’ont plus de place », a précisé le magistrat. Il a ajouté qu’il avait eu recours à un téléphone satellitaire qui lui avait été attribué pour collecter les chiffres auprès de ses collègues à travers le territoire. Les autorités n’ont jamais indiqué officiellement combien de personnes ont été placées en détention depuis le début de cette crise. Elles se sont contentées de confirmer l’arrestation d’une centaine de responsables politiques locaux, de militants et d’universitaires lors des tous premiers jours.

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Blocage des communications

Elles ont expliqué ne pas disposer de bilan global des arrestations et ont justifié « les quelques mises en détention préventives » par la nécessité d’éviter « que la paix ne soit troublée » dans ce territoire à majorité musulmane revendiqué par le Pakistan, et théâtre depuis des décennies d’une rébellion séparatiste. Mais, d’après l’AFP, l’ampleur des rafles a été confirmée par de nombreux responsables du gouvernement local à Srinagar, principale ville du Cachemire indien, y compris par des membres de la police et des forces de l’ordre.

Ainsi, un policier, souhaitant garder l’anonymat, estime qu’à Srinagar, « 6 000 personnes environ avaient subi un examen médical après avoir été détenues (…). Elles sont d’abord envoyées à la prison centrale de Srinagar, et ensuite transportées ailleurs par avion militaire ». Un autre membre des forces de sécurité fait état de « milliers de personnes emprisonnées », mais ajoute que ce chiffre ne tenait pas compte d’autres habitants détenus dans des postes de police sans y être enregistrés.

Les tensions demeurent vives dans ce territoire depuis le 5 août, date à laquelle l’Inde a révoqué l’autonomie constitutionnelle de la partie du Cachemire qu’elle contrôle. Un blocage des communications et de fortes restrictions à la circulation avaient été imposés par les autorités indiennes la veille de l’annonce, le 5 août, de la révocation de l’article 370 de la Constitution, qui conférait le statut d’autonomie spéciale à cette région himalayenne.

Tensions avec le Pakistan

Vendredi, l’Inde avait commencé à assouplir certaines de ces restrictions. Mais des heurts ont été signalés en plusieurs endroits autour de Srinagar, faisant huit blessés, selon les autorités locales. Les restrictions ont été rétablies à la suite de ces incidents, a rapporté l’agence de presse indienne Press Trust of India (PTI), citant des fonctionnaires parlant sous couvert d’anonymat. Un haut fonctionnaire du gouvernement a déclaré dimanche à l’AFP que des centraux téléphoniques reprendraient leurs activités normales d’ici la fin de la journée.

Les autorités avaient précédemment nié ou minimisé des informations faisant état de violences, et souligné au contraire que la majeure partie de la vallée du Cachemire était restée pacifique. Par ailleurs, l’armée indienne a confirmé qu’un soldat avait été tué samedi lors d’un intense échange de tirs transfrontaliers avec le Pakistan. Quelque 80 000 paramilitaires indiens supplémentaires ont été déployés dans le Cachemire indien. Un demi-million de soldats s’y trouvent déjà en temps normal. L’Inde et le Pakistan, qui se sont partagé le territoire du Cachemire après leur indépendance en 1947, se sont depuis livrés trois guerres, dont deux étaient liées à la question du Cachemire.

Cachemire : aux origines des tensions entre l’Inde et le Pakistan
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