Vue aérienne du ouadi Moura, dans la région du Ouaddaï, au Tchad, en mars 2019. / AMAURY HAUCHARD / AFP

Le président tchadien, Idriss Déby, a déclaré l’état d’urgence dans deux provinces de l’est du pays et réclamé le désarmement des civils, dimanche 18 août, après des affrontements meurtriers entre communautés qui sont, selon lui, liés à la crise au Soudan voisin. L’état d’urgence a été déclaré pour trois mois dans les provinces du Sila et du Ouaddaï, à la frontière entre le Tchad et le Soudan. Des affrontements entre cultivateurs et éleveurs y ont fait plus de 50 morts depuis le 9 août, selon la présidence.

« S’il y a encore des conflits entre Arabes et Ouaddaïens […] vous en tuez dix de chaque côté afin de sauver la majorité. Vous avez l’autorisation », a lancé le président Déby aux autorités locales lors d’un déplacement dimanche dans le Sila, où le déploiement de « forces militaires qui vont assurer la sécurité de la population dans la zone » a été annoncé. « Dès que je quitte la province de Sila, il faut désarmer tous les civils de la zone qui ont des armes entre les mains », a-t-il ordonné. Outre la saisie des armes et la présence de forces militaires, le président tchadien a annoncé l’interdiction de circuler à moto dans les deux régions, ainsi que la suspension des chefs des deux cantons où se sont déroulés les affrontements.

La Convention tchadienne de défense des droits humains (CTDDH) a aussitôt condamné dans un communiqué les consignes du président, se disant « scandalisée par l’appel au massacre des civils ». L’ONG « exige l’arrêt immédiat de ces exactions et estime que la responsabilité du génocide qui se prépare incombera au président Déby ».

Sécheresse et pression démographique

Depuis plusieurs dizaines d’années, la province du Ouaddaï, zone de transhumance, est en proie à des conflits entre éleveurs nomades arabes et cultivateurs autochtones ouaddaïens. Le 9 août, les violences avaient éclaté après la découverte du corps d’un jeune éleveur arabe dans un village de la sous-préfecture de Wadi Hamra, entraînant des affrontements entre sa communauté et des agriculteurs ouaddaïens.

A l’origine de ces éruptions de violences, on retrouve souvent le même scénario : un troupeau de dromadaires piétine le champ d’un agriculteur ou un jardin cultivé par une famille, déclenchant immédiatement la confrontation entre les hommes des deux communautés, la plupart du temps avec des armes à feu. « C’est une guerre totale que nous devons engager contre ceux qui portent des armes et sont à l’origine des morts d’hommes », avait averti le président Déby, le 9 août, lors d’une conférence de presse.

Dimanche, le chef de l’Etat a plus particulièrement incriminé l’afflux d’armes venues des pays frontaliers en proie à de graves conflits, comme la Libye, la Centrafrique ou le Soudan. « La cause principale de ce conflit intercommunautaire est liée au désordre qui dégénère au Soudan », a-t-il insisté dimanche. Outre le conflit au Darfour, dans l’ouest du pays, un mouvement de contestation a mené à la chute du président Omar Al-Bachir et vient d’aboutir samedi, après huit mois de troubles, à un accord entre militaires et opposants.

Dans l’est du Tchad, la multiplication des tensions s’explique également par la sécheresse et la pression démographique. Des changements structurels auxquels sont venus se greffer des problèmes ethniques : les troupeaux appartiennent en grande majorité aux Zaghawa, l’ethnie du président Déby, selon les agriculteurs autochtones qui dénoncent l’impunité dont les éleveurs bénéficient lorsqu’un différend éclate. Ces situations conflictuelles entre éleveurs et agriculteurs se retrouvent dans d’autres pays africains, notamment le Nigeria et la Centrafrique.