RACHID SGUINI / ARTE RADIO

ARTE RADIO -
PODCAST - DOCUMENTAIRE

« Toute la route était un calvaire. Mais bon, ça fait partie de notre histoire. C’est quelque chose dont je pense qu’on a tous gardé une nostalgie positive. » Cette route, c’est celle du « bled », qu’empruntaient et empruntent encore chaque année des milliers de Marocains de France, pour passer les vacances d’été au pays d’origine. Pour raconter ces retours rituels au pays des parents, la documentariste Halima Elkhatabi a tendu son micro et recueilli les récits des pères, mères ou enfants qui retrouvent leurs souvenirs, entre rires et mélancolie.

Nous sommes dans les années 1980-1990 et le chemin est semé d’embûches. Sans GPS ni climatisation, rejoindre le Maroc est une aventure éprouvante d’au moins trois jours. Il faut d’abord traverser la France, puis l’Espagne, et prendre le bateau plusieurs heures avant d’avaler les derniers kilomètres qui séparent encore de la famille. Les préparatifs commencent des semaines avant le grand départ, en chargeant les voitures de cadeaux pour les proches. Thé, cacahuètes, tissus, parfums, tel le très apprécié et inoubliable « Rêve d’or », garnissent les coffres, planchers et porte-bagages bâchés sur le toit ou à l’arrière des véhicules. Durant le trajet, une maman cuisine sur les aires de repos à l’aide d’un réchaud, une autre prend le volant, toutes surveillent le mari qui conduit, pour qu’il ne s’endorme pas.

Une chaleur écrasante

L’Espagne est la partie la plus difficile du parcours. Aux routes dangereuses de montagne succède l’embrouillamini des voies à la sortie de Madrid et le casse-tête pour dormir à tour de rôle alors que la fatigue commence à se faire sentir. « On voulait vite passer l’Espagne (…). Sur 1 200 km, on se sent pas les bienvenus », raconte un voyageur qui se souvient du racisme des serveurs sur les aires. Arrivé à Algésiras, soit on embarque tout de suite sur un ferry, soit on patiente, parfois des journées entières, sous la chaleur écrasante. Une fois sur le bateau, c’est la délivrance : la voiture est en sécurité, on peut se dégourdir les jambes, regarder les dauphins, se refaire une beauté en attendant le Maroc, ses odeurs de grillades et les retrouvailles festives avec la famille.

« Aujourd’hui, j’aimerais la refaire, cette route, mais ça n’aurait plus la même saveur », réalise un des passagers avec nostalgie. Le documentaire de Halima Elkhatabi fait revivre avec tendresse ce traditionnel road trip, moment privilégié de la vie de ces familles.

La Route du bled, documentaire d’Halima Elkhatabi. 3 x 16 mn. Disponible sur Arte Radio.