HISTOIRE - MARDI 20 AOÛT À 20 H 40 - DOCUMENTAIRE

En temps de guerre, le soldat a plusieurs ennemis, et la fatigue en fait partie. Pour que le tankiste, l’aviateur ou le sous-marinier puisse participer aux combats avec fougue sans être victime tout d’un coup d’une faiblesse après quelques heures particulièrement éprouvantes, il existe une solution miracle : la drogue ! Depuis la sortie, en 2016, du livre à succès de Norman Ohler (L’Extase totale. Le IIIe Reich, les Allemands et la drogue, Ed. La Découverte, 2016), on savait que les troupes allemandes avaient connu des succès foudroyants grâce à l’utilisation massive de pervitine. Cette puissante méthamphétamine en provenance des usines Temmler est disponible en vente libre dès 1938 dans toutes les bonnes pharmacies du Reich.

Lire la critique de l’ouvrage de Norman Ohler : Le IIIe Reich sous speed

En comprimé ou en injection, ce produit permet de ne pas dormir durant environ deux jours et deux nuits et de ne pas ressentir la peur. Intéressant, lorsqu’on a l’intention de régler rapidement son sort à la Pologne ou à la France. De fait, en 1940, 35 millions de cachets de pervitine seront distribués aux soldats allemands lors des combats contre des Français, plus nombreux et mieux équipés en blindés. Le résultat final est connu. Mais, après avoir marché sans répit et combattu avec une grande agressivité, les soldats sont victimes des effets secondaires : crises d’angoisse, peur de ne pas retrouver le sommeil.

Agressivité hallucinante

Ce que le grand public sait moins, c’est que des troupes britanniques de choc ont également utilisé à grande échelle un produit similaire. Une puissante amphétamine nommée benzédrine, elle aussi employée avant-guerre par les civils, en inhalation. Sa consommation permet de se retrouver dans un état d’euphorie intense et d’évacuer tout sentiment de peur. Les pilotes de la Royal Air Force seront les premiers clients de la benzédrine : infatigables, le moral au beau fixe et une agressivité décuplée… idéal pour défendre le ciel du pays, puis aller bombarder le Reich.

La benzédrine entraîne également une perte de lucidité face aux dangers

En octobre 1942, c’est dans le désert d’Afrique du Nord, alors que le moral des troupes britanniques est au plus bas, que Montgomery décide une offensive à El-Alamein. Un document officiel, retrouvé dans ce documentaire passionnant, prouve que des doses énormes de benzédrine (le double de celles recommandées aux pilotes de la RAF !) ont été distribuées la veille de l’attaque aux tankistes de la 24e brigade. A bord de leurs nouveaux chars Sherman, livrés par les Américains, les Britanniques vont combattre avec une agressivité hallucinante. Mais, comme cette drogue entraîne également une perte de lucidité face aux dangers, le bilan final est très lourd : 80 % de pertes dans la 24e brigade.

L’historien britannique James Holland anime ce documentaire et mène l’enquête sur le terrain avec énergie. Dernière étape : le camp de concentration de Sachsenhausen où, en novembre 1944, des détenus furent utilisés comme cobayes pour tester de nouvelles drogues, dont des chewing-gums à la cocaïne et des doses effarantes (100 mg) de pervitine. Objectif ? Permettre des missions-suicides à bord de mini-sous-marins équipés d’une torpille unique. Après-guerre, la publicité mettra encore à l’honneur les effets euphorisants (et amaigrissants) des amphétamines, avec notamment des inhalateurs de benzédrine proposés aux voyageurs à bord des avions de la PanAm. Ce qui s’appelle s’envoyer en l’air…

Alliés et nazis sous amphétamines, documentaire de Steven Hoggard (RU, 2018, 55 min). www.histoire.fr