Le stand de Huawei au Consumer Electronics Show de Las Vegas (ouest des Etats-Unis), la grand-messe annuelle de l’électronique mondiale, le 8 janvier. / DAVID MCNEW / AFP

Huawei peut encore souffler un peu. Les Etats-Unis ont accordé, lundi 19 août, un sursis supplémentaire de trois mois au groupe chinois pour poursuivre ses échanges commerciaux avec les entreprises américaines. La firme du milliardaire Ren Zhengfei, numéro un mondial des ventes d’équipements télécoms et bête noire des Etats-Unis, se trouve sur la sellette depuis le 16 mai, date à laquelle Washington l’a officiellement placée sur une liste noire, lui interdisant tout achat ou vente auprès des entreprises du pays. Face au tollé déclenché par cette décision, qui avait pris de court les fournisseurs et clients américains du géant chinois, un premier répit de quatre-vingt-dix jours lui avait cependant été octroyé en mai, mais il arrivait à son terme.

Soucieux de ne pas pénaliser les sociétés américaines qui travaillent avec le groupe de télécoms, Washington a préféré temporiser et s’accorder un nouveau délai de réflexion, la nouvelle échéance étant fixée au 19 novembre. « Alors que nous continuons d’exhorter les consommateurs à délaisser les produits de Huawei, nous reconnaissons qu’il faut plus de temps pour éviter toute perturbation », s’est justifié Wilbur Ross, le secrétaire américain au commerce, dans un communiqué. De nombreux opérateurs ruraux aux Etats-Unis dépendent en effet des équipements télécoms de la firme de Shenzhen pour le déploiement de leurs réseaux.

Les achats de Huawei auprès d’entreprises américaines ont atteint plus de 11 milliards de dollars en 2018

Ces dernières semaines, de grands fournisseurs américains de l’entreprise chinoise, à l’instar de Qualcomm, Intel ou Google, étaient également montés au créneau auprès du gouvernement de Donald Trump, inquiets de voir leur échapper un partenaire aussi important. Le groupe de télécommunications est un client de poids : ses achats auprès d’entreprises américaines atteignaient plus de 11 milliards de dollars (10 milliards d’euros) en 2018.

Alors que les négociations commerciales entre la Chine et les Etats-Unis patinent depuis des mois, Huawei est devenu l’un des leviers de pression récurrents dans l’épreuve de force qui oppose les deux premières puissances économiques mondiales, Washington n’hésitant pas à souffler le chaud et le froid. Dimanche, le président américain Donald Trump avait ainsi une nouvelle fois laissé planer le doute au sujet du champion chinois des télécoms. « Pour le moment, il semble plutôt que nous n’allons pas faire affaire (…). Je ne veux pas du tout faire affaire [avec Huawei], parce que c’est une menace pour la sécurité nationale », avait-il lancé devant la presse.

Le signe d’une détente ?

Faut-il pour autant voir dans l’annonce faite lundi le signe d’une détente de la part des Etats-Unis ? Le secrétaire au commerce n’a pas manqué de rappeler les multiples inquiétudes du gouvernement américain quant à la sécurité des équipements télécoms vendus par le groupe de Shenzhen, alors que la nouvelle génération de téléphonie mobile, la 5G, commence tout juste à être déployée un peu partout dans le monde.

Washington, qui n’a cessé de mettre en garde ses alliés européens ces derniers mois, soupçonne l’entreprise chinoise d’être à la solde de Pékin et d’intégrer des portes dérobées dans ses matériels à des fins d’espionnage, ce que Huawei dément formellement. « Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre un risque, alors que nous passons à l’ère de l’Internet des objets, où tout sera interconnecté », a insisté M. Ross.

Et si les autorités américaines ont prolongé la période d’exemption de Huawei, qui autorise des « transactions spécifiques et limitées », elles ont par ailleurs étendu la liste des filiales du groupe chinois inscrites sur leur liste noire. « Nous avons décidé d’ajouter 46 autres filiales de Huawei à la liste des entités (…). Nous avons maintenant plus de cent filiales dans la liste. L’ajout de ces filiales rend plus difficile pour Huawei de contourner les sanctions », a précisé Wilbur Ross sur Fox Business.

Conscient du climat plus qu’hostile des Etats-Unis à son encontre et de la versatilité des décisions américaines, Huawei prépare la contre-offensive. Le groupe dispose ainsi d’une importante réserve de composants pour lui permettre de continuer à produire ses smartphones malgré les restrictions. Il a aussi accéléré la mise au point de son propre système d’exploitation, Harmony OS, dévoilé le 9 août lors de sa conférence annuelle des développeurs, et destiné à remplacer au pied levé Android sur ses téléphones, si d’aventure les Etats-Unis décidaient de couper définitivement les ponts le 19 novembre. Mieux vaut prévenir que guérir.