Un manifestant brandit une pancarte rendant hommage à Zineb Redouane, le 27 avril à Marseile. / GÉRARD JULIEN / AFP

La Cour de cassation a ordonné, mercredi 21 août, le dépaysement à Lyon de l’enquête sur la mort de Zineb Redouane, une octogénaire touchée par un tir de grenade lacrymogène en marge d’une manifestation de « gilets jaunes » à Marseille en décembre. La procédure, jusque-là instruite à Marseille, sera désormais entre les mains d’un juge lyonnais.

Le 1er décembre, de violents incidents avaient éclaté en marge de plusieurs manifestations à Marseille, notamment celle de « gilets jaunes ». Zineb Redouane, 80 ans, avait été touchée au visage par des morceaux de grenade lacrymogène alors qu’elle était en train de fermer les fenêtres de son appartement, situé au quatrième étage d’un immeuble rue des Feuillants (1er arrondissement). Elle est morte le lendemain à l’hôpital.

« Anticiper des polémiques inutiles »

Le parquet général d’Aix-en-Provence avait demandé ce dépaysement pour la « sérénité » de l’information judiciaire et « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ». Dans sa requête, le procureur général Robert Gelli relevait que, selon deux témoignages de CRS, un magistrat du parquet de Marseille était présent sur les lieux de la manifestation dans le cadre de ses fonctions. Ce magistrat avait été chargé ensuite du début de l’enquête, jusqu’à ce qu’elle soit confiée à un juge d’instruction marseillais, le 4 décembre.

« Ce magistrat pourrait être susceptible de fournir des éléments utiles » sur les faits et sera vraisemblablement entendu lors de l’instruction, « quand bien même sa responsabilité ne peut en aucun cas être recherchée », soulignait dans sa requête le procureur général Robert Gelli. Le drame ayant eu lieu lors d’une opération de maintien de l’ordre, la responsabilité « des autorités locales » pourrait être recherchée, ajoutait M. Gelli. Au Monde, il avait déjà expliqué en juin :

« Je considère que la sérénité de la poursuite de l’information à Marseille risque d’être perturbée. Autant anticiper des polémiques inutiles. »

Les avocats de la famille de Zineb Redouane avaient également appelé à dépayser au plus vite ce dossier, qu’ils estiment être une « affaire d’Etat ». Les proches ont déposé plusieurs plaintes, notamment pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », et ont en outre saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), estimant que le procureur de Marseille, Xavier Tarabeux, avait « manqué à ses obligations déontologiques ».

Aucun policier identifié

Au lendemain du décès de celle que ses proches surnommaient « Mama Zina », le procureur avait estimé que la mort de Mme Redouane résultait « d’un choc opératoire et non d’un choc facial », ajoutant qu’« à ce stade, on ne [pouvait] pas établir de lien de cause à effet entre la blessure et le décès ». « C’est une honte qu’un procureur de la République divulgue des fausses informations à la presse en toute connaissance de cause ! », avait commenté l’avocat de la famille, Yassine Bouzrou.

Zineb Redouane est à ce jour la seule personne à avoir été tuée en marge du mouvement des « gilets jaunes », et pour laquelle la responsabilité de la police est mise en cause. A ce jour, le policier responsable du tir de grenade lacrymogène ayant atteint Zineb Redouane n’a toujours pas été identifié.

A la fin de janvier, les enquêteurs de l’inspection générale de la police nationale (IGPN), la « police des polices », ont entendu les cinq CRS dotés de lanceurs de grenade qui se trouvaient sur les lieux, ainsi que le capitaine qui les dirigeait. Après avoir regardé les images de vidéosurveillance, aucun n’a désigné le tireur ou n’a reconnu avoir tiré. Selon la fille de Zineb Redouane, rapportant des propos de sa mère au téléphone au moment de l’impact, un policier l’aurait, au contraire, regardée et visée. Deux cents grenades ont été tirées ce samedi 1er décembre.