Une migrante débarque du « Open-Arms » mardi soir 20 août 2019, sur l’île italienne de Lampedusa. / Guglielmo Mangiapane / REUTERS

« J’ai failli devenir fou. » Mohammed, un jeune Libyen, a vécu une attente interminable à bord du navire humanitaire Open-Arms, avant d’arriver mardi soir 20 août dans le centre d’accueil bondé de l’île de Lampedusa. « On était une cinquantaine à cuire comme des spaghettis dans notre bateau. Le moteur s’était arrêté quand on a été sauvé par l’Open-Arms, raconte Mohammed, 23 ans, les yeux verts perçants. Je me suis ensuite isolé pendant plusieurs jours au fond du bateau. »

Mardi matin, le procureur d’Agrigente (Sicile) a inspecté le bateau et a décidé, à la surprise générale, que les rescapés devraient débarquer sur cette île située entre l’Italie continentale et la Tunisie. Certains, désespérés, s’étaient déjà jetés à l’eau pour la rejoindre à la nage.

Le rapport du procureur, cité par des médias italiens, décrit des passagers plongés dans un « contexte émotionnel extrême (…) entre la perception de la mort en cas de retour au pays et l’espoir d’une nouvelle vie, même si elle nécessite de se jeter à la mer et de nager jusqu’à l’île ». Un contexte qui rendait « impossible l’évaluation des risques individuels et collectifs », et l’a convaincu de les laisser débarquer et d’ouvrir une enquête contre X pour séquestration de personnes, omission et refus d’actes officiels.

« La porte de l’Europe »

Après dix-neuf jours en mer pour certains, les 147 occupants de l’Open-Arms, affrété par l’ONG espagnole du même nom, ont rejoint mardi soir le centre d’accueil de la petite île, appelé « hot spot ». Mercredi, sous une chaleur écrasante, la police italienne a commencé à contrôler l’identité des rescapés de l’Open-Arms, confinés dans ce centre d’accueil avec de nombreux Tunisiens arrivés sur d’autres bateaux. Ils sont plus de 200 dans deux bâtiments conçus pour 96 personnes, selon une source au sein du centre, qui assure que certains pourraient être transférés dès jeudi vers d’autres centres de Sicile, à Trapani ou à Caltanissetta.

« Ce n’est pas une prison », souligne un des policiers du centre, où les allers et venues sont contrôlés par l’armée. Pour « alléger » la charge, les personnes secourues sont transférées au bout de quelques jours dans d’autres lieux d’accueil, en Sicile notamment. Le centre de Lampedusa, appelée « la porte de l’Europe », a pu accueillir jusqu’à 600 migrants, mais une partie des bâtiments a été endommagée par des incendies.

Les passagers de l’Open-Arms sont restés dans le centre toute la journée, se reposant après leur longue traversée. Une grande partie de l’équipage du navire, mis sous séquestre par la justice italienne dans un port sicilien, est repartie pour l’Espagne. Les migrants arrivés depuis plusieurs jours font le mur en petits groupes pour aller en ville, à quelques centaines de mètres du « hot spot », pour acheter quelques cigarettes ou des fruits.

Dans la rue piétonne bondée qui donne sur le port, ils croisent sans les voir des centaines de touristes et des terrasses bondées. Des Tunisiens remercient Dieu qui leur a permis d’accoster sains et saufs après la traversée de la Méditerranée. Mohammed, qui a tenté la traversée pour 500 dollars (450 euros), voudrait aller « n’importe où en Europe » pour travailler, en Sicile peut-être ou en France où il a de la famille.